Sénégal : le boulevard du Général-de-Gaulle, cœur battant de Dakar

Jadis surtout résidentiel, aujourd’hui très commerçant, le boulevard du Général-de-Gaulle a toujours été le théâtre des grandes célébrations et manifestations populaires.

Le boulevard du Général-de-Gaulle, surnommé les allées du Centenaire. © Youri Lenquette pour JA

Le boulevard du Général-de-Gaulle, surnommé les allées du Centenaire. © Youri Lenquette pour JA

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Publié le 12 décembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Le quartier du Plateau, à Dakar. © Youri Lenquette pour JA
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Dakar, une capitale en mode XXL

Réseaux de transports, espaces publics, complexes culturels… Depuis la corniche et le centre du Plateau, à l’ouest, jusqu’à la ville nouvelle de Diamniadio, à l’autre extrémité de la presqu’île, l’agglomération sénégalaise est en chantier. Et semble bien partie pour inventer la métropole africaine du futur

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Tantôt le boulevard du Général-de-Gaulle résonne des cris de joie et des chants qui célèbrent une victoire des Lions de la Teranga à la Coupe d’Afrique des nations. Tantôt il s’embrume de jets de pierres et de gaz lacrymogènes. Comme en 2011, lors des manifestations contre la modification de la Constitution et la volonté d’Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat.

Comme en mai dernier, quand une foule compacte s’est élevée contre les violences faites aux femmes, ou, le mois suivant, lors de la marche organisée pour réclamer plus de transparence dans la gestion des hydrocarbures. « Pour les Sénégalais, ce boulevard est l’espace des expressions libres, de l’indépendance. S’ils viennent manifester ici, c’est parce que cette artère est un symbole de l’histoire de notre pays et de notre identité », explique l’urbaniste Babacar Ndoye, professeur au Collège universitaire d’architecture de Dakar (Cuad).

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Le pouls de la capitale

Depuis sa construction, en 1959, c’est sur le boulevard du Général-de-Gaulle que l’on prend le pouls de la capitale. Et ce n’est pas un hasard s’il accueille chaque année, le 4 avril, le défilé de la fête nationale, sous l’œil protecteur du lion de l’obélisque, édifié en 1960 en souvenir de l’accession du pays à l’indépendance. En plein cœur historique et physique de la ville, cette vaste artère s’élance sur 1,5 km, depuis l’obélisque de la place de la Nation, au nord, jusqu’à l’entrée de la commune de Dakar-Plateau, au sud.

Elle est bordée, à l’est, par le quartier résidentiel de Gibraltar (à l’origine créé pour les hauts fonctionnaires du Sénégal indépendant), et, à l’ouest, par la populaire commune de la Médina, qui fut le premier quartier indigène de la ville. Les « allées du Centenaire », selon le surnom qu’ont donné les Dakarois au boulevard, forment le centre névralgique autour duquel ont été aménagés les différents quartiers de la capitale, dans toute leur diversité, après l’Indépendance.

Les constructions anarchiques ont poussé un peu partout, et ce quartier a commencé à se transformer

Les abords lotis du « Centenaire » étaient en effet censés être le point de départ du Dakar imaginé par Léopold Sédar Senghor. « Les plans d’urbanisme, à partir de ceux dessinés en 1946 par les colons, prévoyaient une expansion au-delà du Plateau, au-delà du Centenaire et de la Médina, jusqu’à Mbour et Thiès », rappelle Babacar Ndoye. Un développement stoppé net par l’austérité économique qui s’impose dès les années 1980 dans le pays.

« Les ajustements structurels ont mis un coup de frein à la planification de l’habitat, les constructions anarchiques ont poussé un peu partout, et ce quartier a commencé à se transformer », regrette Mouhamedine Diène. Le regard fixé sur les façades bigarrées du boulevard, ce Dakarois retraité se souvient avec émotion des maisons uniformes, blanches à volets gris, comme celle dans laquelle il s’était installé en 1965 avec son père, administrateur civil. « À l’époque, ce quartier ressemblait à une petite ville française, tant pour son esthétique que pour sa planification. »

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Marché chinois

Aujourd’hui, « le Centenaire » bat un autre pavillon. En témoignent l’agence de voyages, les restaurants et les innombrables échoppes chinoises qui ont pris d’assaut le boulevard. « Entre 1990 et 2000, les premiers occupants du Centenaire ont pris leur retraite. Par contrainte économique, beaucoup ont dû louer une partie de leur logement afin de le conserver », explique Babacar Ndoye.

Une aubaine pour les commerçants chinois, qui, alors que la commune du Plateau est saturée, trouvent à louer au Centenaire des espaces centraux à bas prix. Sans oublier que les trois marchés desservis par le boulevard – Colobane au nord, Tilène à l’ouest et Sandaga au sud –, qui en font un carrefour idéal pour les échanges commerciaux, ainsi que sa proximité avec la zone industrielle de Bel-Air (au nord-est), la zone portuaire (sud-est) et la zone tertiaire de Dakar-Plateau (sud).

Les habitants des premières heures se sentent dépossédés

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Si, sur le boulevard De-Gaulle, désormais surnommé « marché chinois », la frénésie commerciale arrange les détaillants sénégalais, qui partagent volontiers un bout de trottoir avec les grossistes chinois auprès desquels ils se fournissent, elle n’est pas du goût de tous. « Le commerce a phagocyté les espaces extérieurs, les trottoirs sont occupés par les stocks de marchandises, et les piétons poussés sur la route. Les habitants des premières heures se sentent dépossédés », déplore l’urbaniste Babacar Ndoye. « L’arrivée des commerces a complètement changé le cadre de vie », renchérit Mouhamedine Diène, qui regrette la verdure et le calme du quartier de son enfance – qu’il a quitté il y a trente ans.

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