Gabon : le chantier de l’aménagement littoral de la Baie des rois à Libreville se concrétisera-t-il ?

Futur quartier d’affaires sur le littoral de Libreville la Baie des rois est l’un des rares chantiers d’infrastructures que l’État maintient dans ses priorités. Un projet qui fascine autant qu’il irrite.

La cathédrale Sainte-Marie, dans le quartier de Port-Môle © David Stanley

La cathédrale Sainte-Marie, dans le quartier de Port-Môle © David Stanley

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Publié le 23 décembre 2019 Lecture : 4 minutes.

À Libreville au Gabon. (photo d’illustration). © Jacques Torregano pour JA
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Gabon : enfin la relance ?

Si les récents remaniements au sein du cabinet présidentiel et du gouvernement ont inquiété les uns et déconcerté les autres, ils ont aussi et surtout clarifié la situation au sommet de l’État : un an après son AVC, Ali Bongo Ondimba est bel et bien de retour aux commandes de l’exécutif et dicte le tempo.

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C’est la dune de sable la plus célèbre de la capitale gabonaise. Le bâtiment de l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI), situé à quelques mètres de la Cour constitutionnelle, offre une vue panoramique sur le bord de mer et permet de contempler le chantier de la Baie des rois, un projet de quartier d’affaires de 40 hectares.

« C’est à nous de concrétiser les choses, de montrer que le projet a de l’avenir, reconnaît Serge Thierry Mickoto, président du Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), chargé du projet. L’erreur qui a été faite au départ a été d’engager les travaux simultanément sur les 40 hectares. Désormais, nous nous sommes recentrés sur une parcelle, et les choses avancent », explique-t-il.

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En longeant la route embouteillée du bord de mer et les palissades qui délimitent le chantier, on constate en effet qu’une partie du terrain en construction, divisé en cinq zones, est accessible. Là, sur la parcelle n°2, au nord du site qui fait face au centre hospitalier Jeanne-Ebori, l’entreprise française Colas (qui avait remporté l’appel d’offres lancé au printemps 2017) a achevé les travaux de viabilisation. Sur les autres zones, ils ont pour l’instant été suspendus.

Colas a pris la suite de la China Harbour Engineering Company, chargée des travaux de dragage, de remblais et de terrassement – d’un coût estimé à 58,8 milliards de francs CFA (89,5 millions d’euros) – menés entre 2013 et 2016, qui ont permis de faire passer la superficie de l’ancien Port-Môle de 4 à 40 hectares.

Modernisation de la capitale

Chantier emblématique de la capitale, l’ancien projet de marina de Libreville, devenu celui de la Baie des rois, alimente les fantasmes et les critiques depuis plus de vingt ans. C’est en 1997 qu’Omar Bongo Ondimba lance ce gigantesque projet d’aménagement du front de mer, afin de faire de Libreville la plateforme économique et touristique incontournable de la région.

Les pouvoirs publics avaient estimé qu’il n’était pas envisageable de laisser les Sud-Africains gérer eux-mêmes le transfert des titres fonciers de la zone du Port-Môle

Le président gabonais se tourne alors vers deux entreprises sud-africaines, V&A Waterfront et Entech Consultants. Montant estimé des travaux : entre 200 et 280 millions de dollars. Le projet sous sa forme initiale échoue. « Les pouvoirs publics avaient estimé qu’il n’était pas envisageable de laisser les Sud-Africains gérer eux-mêmes le transfert des titres fonciers de la zone du Port-Môle », explique un collaborateur du projet de la Baie des rois. Au milieu des années 2000, plusieurs alternatives sont étudiées. En vain.

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C’est en 2013 que l’aménagement de l’ancien Port-Môle, rebaptisé Champ-Triomphal, est relancé et confié à l’ANGTI dans le cadre du plan de modernisation de la capitale voulue par Ali Bongo Ondimba. Mais, dès 2013, les premiers signes de ralentissement de l’économie se font sentir, et, en 2015, la crise financière liée à la chute des cours du pétrole porte un coup d’arrêt au chantier.

Celui-ci est alors confié, dès décembre 2015, au FGIS (dont le capital de départ pour le projet est fixé à 15 milliards de francs CFA), qui le place quelques mois plus tard entre les mains de la filiale qu’il a créée à cet effet sous le nom de Façade maritime du Champ-Triomphal (FMCT).

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Lassés de croire, pressés de voir

« Le FGIS reste le bras financier de l’État, mais la FMCT agit hors du cadre de la loi de finances, c’est donc un moyen pour l’État de se détacher du projet aux yeux de l’opinion, tout en restant son principal moteur », explique notre interlocuteur.

Il y a d’autres priorités pour les Gabonais que de construire des hôtels et des bureaux sur le bord de mer

« Aujourd’hui, pour le président, c’est devenu un projet de fierté, confiait en début d’année un habitué du palais. Car l’opposition profite de chaque occasion pour pointer du doigt ce chantier. » À l’instar d’Alexandre Barro-Chambrier : « Il y a d’autres priorités pour les Gabonais que de construire des hôtels et des bureaux sur le bord de mer, confiait ce dernier à JA à la fin de 2018, lors de la campagne pour les législatives. Certains quartiers croulent sous les ordures, le système scolaire a été laissé de côté… Pour les gens, ce projet reste une aberration ! »

Ce sont des projets d’envergure, cela ne me paraît pas aberrant que leur développement s’étale sur plus de vingt ans

Surtout, les Librevillois sont lassés de croire et pressés de voir. Malgré les critiques et la peur de voir le projet se transformer en « éléphant blanc », le FGIS maintient que les travaux sont sur les bons rails. Un appel d’offres doit être lancé au début de 2020 pour amorcer la commercialisation des premiers lots. « L’objectif est de livrer le premier îlot de la parcelle n°2 d’ici à 2021 », explique le Franco-Gabonais Emmanuel Edane, coordinateur du projet pour la FMCT.

La filiale du FGIS espère financer le reste des parcelles à partir des ventes des terrains de cette zone nord. « Ce sont des projets d’envergure, cela ne me paraît pas aberrant que leur développement s’étale sur plus de vingt ans », assure Emmanuel Edane.

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