Pétrole : dans la tourmente, Tullow Oil aiguise les appétits

La révision des prévisions de production de la compagnie a entraîné la démission de son patron et la chute de son cours boursier. Mais le portefeuille africain de Tullow Oil demeure attractif…

Vue de la barge de production pétrolière, de stockage et de déchargement (FPSO) Kwame Nkrumah, au large des côtes ghanéennes, en 2016. © www.tullowoil.com/

Vue de la barge de production pétrolière, de stockage et de déchargement (FPSO) Kwame Nkrumah, au large des côtes ghanéennes, en 2016. © www.tullowoil.com/

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 15 décembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Lundi 9 décembre, le groupe britannique a chuté à la Bourse de Londres, avec un titre perdant près de 70 % de sa valeur, soit 1,8 milliard d’euros de capitalisation boursière.

Cette dégringolade – l’une des pires de la décennie pour une valeur de l’indice FTSE 250 – a été provoquée par la révision à la baisse de ses prévisions de production, réduites de près d’un tiers (voir graphique ci-dessous), et les démissions du DG Paul McDade et de son directeur de l’exploration, Angus McCoss, exigées par le conseil d’administration de Tullow Oil.

Production de Tullow Oil. © JA

Production de Tullow Oil. © JA

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Un coup dur pour cette compagnie qui se présente comme le premier pétrolier indépendant en Afrique. L’ancienne junior avait, sous la houlette de son fondateur irlandais Aidan Heavey, démarré ses activités en Afrique de l’Ouest (notamment au Sénégal et au Ghana) ainsi qu’au Gabon, avant de s’attaquer à l’Afrique de l’Est – où il a été l’un des premiers à s’intéresser à l’Ouganda et au Kenya –, puis à l’Amérique du Sud.

Devenu par ses succès d’exploration un poids moyen du secteur, il a aussi noué plusieurs accords avec des majors, tel Total, intéressé par la reprise du projet ougandais de Tullow Oil.

Rassurer les investisseurs

Paul McDade, directeur de l'exploration de la compagnie Tullow Oil. © DR

Paul McDade, directeur de l'exploration de la compagnie Tullow Oil. © DR

Interviewé en marge de l’Africa Oil Week, qui se tenait début novembre au Cap, Paul McDade tentait encore de rassurer les investisseurs sur les perspectives continentales, selon lui toujours encourageantes.

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Éludant les problèmes techniques de ses projets ghanéens Jubilee et TEN, où la compagnie ne parvient pas à accélérer le rythme de production ; au Guyana, où la mauvaise qualité du pétrole renchérit les coûts d’exploitation ; il relativisait aussi ses difficultés avec les autorités en Ouganda, où il a dû renoncer à la vente de ses parts dans son projet à Total et CNOOC, faute d’un accord fiscal avec Kampala satisfaisant pour ces derniers.

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« C’est un projet d’envergure avec des coûts de production très bas. Nous ne sommes pas inquiets, la transaction se fera, nous devons juste prendre plus de temps avec nos partenaires pour définir contractuellement l’ensemble des conditions fiscales, de logistique – avec la construction d’un pipeline validé par Total – et de commercialisation pour que le projet soit rentable et viable à long terme », confiait-il à JA.

Groupe endetté

Le report de cette transaction a pourtant été dommageable à ce groupe endetté qui avait bien besoin de trésorerie. Tullow Oil fait notamment face à 300 et 650 millions de dollars d’obligations convertibles dont les remboursements arrivent à échéance respectivement en 2021 et en 2022.

Paul McDade se montrait par ailleurs optimiste sur les perspectives de son projet jouxtant le lac Turkana au Kenya, présenté comme un partenariat bien ficelé, soutenu par les autorités, en dépit des difficultés logistiques et sécuritaires pour exporter le brut, évacué pour l’instant par camion du site extractif jusqu’à la côte.

Le DG aujourd’hui débarqué vantait aussi les perspectives très intéressantes en Côte d’Ivoire, où il détient sept permis. « Nous avons aussi bon espoir de trouver aux Comores du pétrole liquide, et non du gaz », indiquait-il au Cap.

Patronne par intérim

Cet optimisme quelque peu déconnecté des réalités du terrain et son incapacité à régler les problèmes opérationnels ont donc fini par coûter son poste à Paul McDade, qui laisse son groupe affaibli et dans l’incertitude. Avec son portefeuille pétrolier africain diversifié et doté de belles réserves, Tullow Oil est devenu, du fait de son cours boursier dévalué, une proie pour des repreneurs.

Patronne par intérim jusqu’à ce qu’un successeur soit trouvé à Paul McDade, Dorothy Thompson a du pain sur la planche pour préserver l’indépendance du groupe et rassurer ses salariés présents dans neuf pays. Nul doute qu’Aidan Heavey sera attentif au devenir du groupe qui a fait sa réputation.

L’Irlandais est toujours actif sur le continent : après avoir quitté Tullow Oil en 2018, il pilote depuis octobre 2019 Boru Energy, un nouveau fonds d’investissement consacré au secteur pétrolier africain, filiale de l’américain Carlyle.

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