Belgique-Afrique : comment Bruxelles veut profiter de l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi

Bruxelles veut profiter de l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi pour apaiser ses relations avec Kinshasa, son principal partenaire africain. Et, au-delà, réaffirmer sa présence économique et diplomatique sur l’ensemble du continent.

Félix Tshisekedi, accompagné de son épouse Denise, aux côtés de la reine Mathilde et du prince philippe, le 17 juillet 2019 à Bruxelles. © Frédéric Sierakowski/Isopix/SIPA

Félix Tshisekedi, accompagné de son épouse Denise, aux côtés de la reine Mathilde et du prince philippe, le 17 juillet 2019 à Bruxelles. © Frédéric Sierakowski/Isopix/SIPA

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Publié le 16 décembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Le Premier ministre belge Charles Michel accueille son homologue congolais Félix Tshisekedi  sur la place Egmont à Bruxelles, le mardi 17 septembre 2009 © AP Photo/Virginia Mayo
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Belgique-Afrique : réunion de famille

Bruxelles veut profiter de l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi pour apaiser ses relations avec Kinshasa, son principal partenaire africain. Et, au-delà, réaffirmer sa présence économique et diplomatique sur l’ensemble du continent.

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Depuis le 30 novembre, la Belgique a un nouveau chef de la diplomatie. Philippe Goffin a succédé à la tête du ministère des Affaires étrangères et de la Défense à Didier Reynders, devenu commissaire européen à la Justice. Député d’une circonscription de Liège depuis 2010, ce Wallon de 52 ans est loin de présenter les états de service de son prédécesseur, ministre de la région wallonne puis ministre fédéral depuis deux décennies et chargé des Affaires étrangères depuis 2011.

Mais ce n’est pas à sa maîtrise des dossiers internationaux qu’il doit d’avoir été désigné, « plutôt aux grands équilibres qui régissent la scène politique du pays », explique un fin connaisseur du sérail belge.

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Son mandat risque d’être aussi court que celui de sa Première ministre, Sophie Wilmès. Celle-ci gère les affaires courantes depuis le départ de Charles Michel, le 27 octobre, à la présidence du Conseil européen, et jusqu’à la composition d’un gouvernement de coalition, attendu depuis les législatives de mai. « Philippe Goffin peut être là pour quelques semaines, quelques mois… », reprend notre observateur.

Quelle que soit la durée de sa mission, il inscrira ses pas dans ceux de son prédécesseur. Au nom de la continuité de l’État, mais plus encore au nom des intérêts de celui-ci, au moment où il retrouve, ces derniers mois, des relations apaisées avec son principal partenaire en Afrique, la République démocratique du Congo.

Tapis rouge pour le nouveau président congolais

Bruxelles et Kinshasa n’en sont pas encore à danser le cha-cha-cha, mais l’élection de Félix Tshisekedi à la présidence à la fin de 2018 semble avoir considérablement réchauffé l’ambiance. La presse belge a évoqué une « famille à nouveau réunie » lors de la visite officielle du chef d’État congolais à Bruxelles, à la mi-septembre.

Pendant quatre jours, la Belgique lui a déroulé le tapis rouge. Le roi Philippe l’a reçu en audience après les honneurs militaires de sa garde. Le patronat belge a mis les petits plats dans les grands pour l’inviter à prendre la parole. Même la diaspora, qui lui est parfois si hostile, a réservé un bon accueil à celui qui a longtemps vécu à Bruxelles. De quoi conforter la diplomatie belge dans la ligne adoptée ces derniers mois sous l’impulsion de Didier Reynders.

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D’abord réticent face au processus électoral congolais, le ministre s’était ensuite montré méfiant quant aux résultats électoraux, avant de s’incliner face à l’accueil qu’a accordé l’Union africaine, et plus généralement l’Afrique, au président élu. Bruxelles rêve désormais de renouer des liens avec son ancienne colonie et semble pour cela prêt à lui accorder sa confiance. Au point d’imaginer rouvrir les différents volets de sa coopération, y compris militaire, avec la RD Congo, selon la logique des « trois D », pour diplomatie, défense et développement, chère aux Affaires étrangères belges et déjà appliquée au Sahel.

Maintenir son influence

La diplomatie belge n’est pas soluble dans la diplomatie européenne, mais il existe des synergies certaines sur de nombreux dossiers

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Le concept a encore été développé selon une approche de plus en plus intégrée, nommée « comprehensive approach », « entre trois mondes qui ne partagent pas toujours le même logiciel », selon une source au ministère.

Avec cette stratégie, la Belgique « espère montrer qu’elle n’est pas totalement absente du continent », persifle un diplomate étranger en poste à Bruxelles. « Plutôt qu’elle y est bien présente », préfère affirmer Bernard Quintin, le chef de cabinet du ministre. En mutualisant ses forces et ses compétences, le royaume cherche à maintenir son influence, réelle sur le continent, dans les limites de ses capacités économiques et militaires.

Il n’hésite pas non plus à jouer la carte du multilatéralisme, avec les États-Unis, les Nations unies, mais surtout l’Union européenne, pour peser à l’international. « La diplomatie belge n’est pas soluble dans la diplomatie européenne, mais il existe des synergies certaines sur de nombreux dossiers », précise Bernard Quintin.

La composition du prochain gouvernement aura évidemment une incidence sur la politique migratoire suivie par le pays

Notamment sur la question migratoire, largement présente dans les débats lors des législatives de mai, remportées par la droite flamande. « La composition du prochain gouvernement aura évidemment une incidence sur la politique migratoire suivie par le pays », confirme notre expert des arcanes du pouvoir. Et, par-delà la Méditerranée, sur son agenda africain.

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