RDC – Félix Tshisekedi : « Certains n’ont pas compris que les temps avaient changé »

Bilan de sa première année, alliance avec Kabila, opposition, révision de la Constitution, double nationalité, lutte contre la corruption, politique étrangère… Une interview exclusive du chef de l’État.

Félix Tshisekedi à Kinshasa, le 13 décembre 2019 © Robert Carruba pour JA

Félix Tshisekedi à Kinshasa, le 13 décembre 2019 © Robert Carruba pour JA

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 22 décembre 2019 Lecture : 13 minutes.

Kinshasa, Palais du peuple, vendredi 13 décembre en fin de matinée. Députés et sénateurs sont réunis en congrès pour écouter le discours sur l’état de la nation que doit prononcer le chef de l’État, Félix Tshisekedi. Son premier grand oral est l’occasion de dresser le bilan de sa première année à la tête de la RD Congo, d’expliciter ses ambitions, sa vision politique et ses priorités. Un moment historique : pour la première fois depuis dix-huit ans, les élus du pays entendent une autre voix que celle de Joseph Kabila, son prédécesseur et néanmoins allié, absent de la salle.

Devant eux, mais aussi devant une foule de militants acquis à sa cause, Tshisekedi a pris son temps et a balayé tous les sujets, politiques, économiques et diplomatiques. Le tout dans un brouhaha et une ambiance indescriptibles, notamment lorsque ses supporteurs ont entonné chants et louanges, ou quand ils ont ponctué ses annonces les plus symboliques d’interminables salves d’applaudissements ou de « Fatshi Béton ! », un de ses surnoms.

Félix Tshisekedi, 56 ans, est donc à la tête de la RD Congo, l’un des pays les plus difficiles à diriger du continent, depuis le 24 janvier 2019. Un territoire à nul autre pareil, immense, béni par dame Nature, qui abrite une population particulièrement jeune, dynamique, créative et résiliente. Mais aussi une nation fragile, où tout est compliqué, où tout prend du temps, rongée par la corruption et le culte de l’argent facile, attaquée de toutes parts, par les grandes puissances, qui y ont des intérêts économiques stratégiques, et par ses voisins, qui y exportent parfois leurs propres problèmes ou entendent se servir à moindres frais.

Face à lui, les attentes impérieuses de 80 millions de Congolais. Tshisekedi est en outre le fruit d’une alternance, un opposant de longue date, lui qui a toujours accompagné le combat de son père, Étienne, mais qui se retrouve à devoir s’allier avec son prédécesseur, poussé vers la sortie par les Congolais eux-mêmes tout en conservant sa majorité dans les assemblées, nationale comme provinciales.

Bref, un exercice d’équilibriste dantesque dont il se sort pour l’instant plutôt bien. Il nous a reçus dans un des salons du Palais du peuple pour répondre à nos nombreuses questions, sous l’œil particulièrement vigilant des membres de son protocole et de sa sécurité. Harassé par son discours fleuve, mais volontaire et volubile.

Jeune Afrique : Près de onze mois se sont écoulés depuis votre arrivée à la présidence de la RD Congo. Quel bilan tirez-vous de cette période ?

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Félix Tshisekedi : Compte tenu des circonstances – un gouvernement, au départ, voué à expédier les affaires courantes et un budget quasi inexistant –, je dirais qu’il est plutôt positif. Nous avons pris un certain nombre de mesures, à mon avis judicieuses, destinées à marquer les esprits, à apaiser les tensions et à libérer les énergies.

Vous êtes engagé avec la formation de votre prédécesseur, Joseph Kabila, majoritaire au Parlement comme dans les assemblées provinciales, au sein d’une coalition. Pourtant, les tensions entre vos partisans et vos entourages respectifs sont nombreuses. Il a fallu, par ailleurs, sept mois de tractations pour que vous parveniez à former un gouvernement de plus d’une soixantaine de ministres… Cette alliance est-elle réellement vouée à durer ?

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Cette coalition est née de la volonté des Congolais. Ils ont élu un président issu de l’opposition et ont choisi de garder la majorité parlementaire sortante. Il n’y avait donc qu’une alternative : la cohabitation ou la coalition. Nous avons choisi la seconde possibilité, mais nous n’étions absolument pas préparés à un tel scénario. Nous avons donc appris en marchant et nous avons dû discuter point par point, étape par étape.

Bien s’informer, mieux décider

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