Le réveil d’une jeunesse algérienne « qui a soif de changement » sous la plume de Karim Amellal
Avec son nouveau roman, l’écrivain Karim Amellal décrit le réveil de la jeunesse algérienne « sous la banquise politique ».
« Direction Orly-Sud, la première porte de l’Afrique », pour deux septuagénaires, Mohamed et Rachid. À l’ouverture du nouveau roman de Karim Amellal, ils entament le voyage du retour en Algérie. Ils ont fui le pays en 1991, après la victoire électorale des islamistes. Comme des milliers d’intellectuels, anciens hauts fonctionnaires, artistes, journalistes, ils ont fait leur vie en France ou ailleurs. Les parents de l’auteur appartiennent à cette génération.
« Ce fragment d’immigration est mal connu », explique Amellal, entrepreneur et essayiste, qui a choisi de raconter cette histoire avec une fresque politique s’étalant sur les cinquante dernières années.
En quête d’idéaux bafoués
Rappelant par certains aspects Les Désorientés, d’Amin Maalouf, Dernières heures avant l’aurore dévoile l’Algérie à travers le regard de ceux qui l’ont quittée avec amertume et regrets, et qui pour leur dernier voyage sont en quête de rêves et d’idéaux bafoués.
J’ai appris à vivre ce pays, et à regarder sous la banquise politique. J’ai découvert une jeunesse qui en a marre d’être réduite à la diète, qui a soif de changement
Alger leur apparaît d’abord comme un monstre urbain désarticulé ayant avalé tous leurs repères. Celles et ceux qui sont restés les préviennent pourtant : « Ne soyez pas nostalgiques […] », « C’est l’Algérie d’aujourd’hui que tu vois là. Elle ne t’appartient plus. […] Celle-ci est encore plus belle, même si elle ne ressemble pas à celle que tu as connue. Tu t’en apercevras un jour. » En attendant de la comprendre, les septuagénaires arpentent la ville, formidablement décrite par un auteur qui a lui-même éprouvé ce « retour ».
Né en Algérie à la fin des années 1970, il l’a redécouverte à partir de 2013 avec le lancement du site participatif Chouf chouf : « J’ai appris à vivre ce pays, et à regarder sous la banquise politique. J’ai découvert une jeunesse qui en a marre d’être réduite à la diète, qui a soif de changement. » Son roman se nourrit de ces confrontations entre générations et entre réalités éclatées, qu’une riche bande-son vient appuyer.
Pour Mohamed et Rachid, c’est le voyage de l’examen de conscience. Il s’agit de solder le passé, de déconstruire les mythes du récit national et de regarder en face les enjeux présents. Tout un processus : « Pour le moment, il fallait poursuivre le chemin à tâtons, bavarder avec ces ombres, repriser sa mémoire pour faire jaillir les souvenirs et, du passé, faire naître le présent. » Car ce qui bouillonne dans ce roman écrit avant le début du Hirak, c’est qu’Alger grouille et n’a que faire de ces « El Hajd » et de leurs défaites, de leurs lâchetés et de leurs traumatismes.
Abattre les idoles
Il est temps, désormais, de déboulonner les idoles, de repenser le pays à l’aune de son ancrage en Afrique et de sa relation au monde, et de faire confiance à une jeunesse qui dénonce l’indépendance confisquée.
Toutes ces revendications entendues depuis les révoltes algériennes de février dernier sommeillent dans le roman d’Amellal : « J’ai écrit le livre en pressentant que ça ne pouvait pas durer comme ça éternellement. […] Le roman est ancré dans l’Algérie qui précède ce qui se passe. Il décrit un pays qui est en train de disparaître. »
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