Côte d’ivoire – Affaire Soro : les zones d’ombre dans l’affaire des écoutes

Déjà au cœur de « l’affaire des écoutes » durant le putsch manqué de 2015 au Burkina Faso, Guillaume Soro est de nouveau plongé dans la tourmente par l’enregistrement d’une conversation. Cette fois, il ne conteste pas l’authenticité des bandes.

Le procureur de la République Richard Adou. © SIA KAMBOU/AFP

Le procureur de la République Richard Adou. © SIA KAMBOU/AFP

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Publié le 13 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

Guillaume Soro, le 25 mars 2015 à Abidjan. © Photo Olivier pour JA
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Une fois de plus, le voilà accusé par un enregistrement.  Il est cette fois question d’un projet de déstabilisation du régime d’Alassane Ouattara. On y entend l’ancien président de l’Assemblée nationale discuter avec son interlocuteur de ses soutiens au sein de l’armée, et notamment de celui des « comzones », qui dirigeaient la rébellion des Forces nouvelles à ses côtés après 2002. Soro y dit aussi être « positionné un peu partout » et avoir la « télécommande » pour passer à l’action.

Cette conversation de sept minutes a été dévoilée par le procureur de la République, Richard Adou (photo), le 26 décembre, lors d’une conférence de presse donnée au tribunal de première instance d’Abidjan. D’après le magistrat, Guillaume Soro préparait « un complot » en deux parties : d’abord une opération de communication à l’étranger pour « jeter le discrédit sur le régime » ivoirien, puis « une insurrection civile et militaire ».

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Il a également évoqué des saisies d’armes dans des locaux abidjanais de Soro ainsi que dans la lagune à Assinie. Des accusations graves, qui valent à l’opposant d’être visé par un mandat d’arrêt international pour « tentative d’atteinte à l’autorité de l’État ».

Roman d’espionnage

Contrairement aux écoutes de 2015, dont il a toujours nié l’authenticité, Soro a rapidement reconnu l’existence de cette conversation. C’était en 2017, après la mutinerie qui a fait tanguer le pays en mai cette année-là. Environ 8 400 soldats issus de l’ex-rébellion réclament le paiement de leurs primes. Des coups de feu sont tirés dans des casernes.

À Bouaké, épicentre de la contestation, les mutins récupèrent des armes dans l’une des résidences de Kamarate Souleymane Koné, alias Soul to Soul, le directeur du protocole de Soro. De quoi susciter la suspicion à l’égard de son patron et provoquer la colère d’Alassane Ouattara.

La suite est digne d’un roman d’espionnage, mêlant intermédiaires obscurs, coups tordus et luttes dans les coulisses du pouvoir. Quelques semaines après la mutinerie, alors que les premières pluies tombent sur la lagune Ébrié, Guillaume Soro reçoit à son domicile abidjanais de Marcory Résidentiel les Français Francis Perez et Olivier Bazin, dit Bazol.

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Le premier, patron du groupe Pefaco, qui possède plusieurs casinos et hôtels en Afrique de l’Ouest, est une figure des réseaux corses sur le continent. Il a été présenté à Soro en 2012, lorsque ce dernier était Premier ministre, par le chef de gouvernement burkinabè Tertius Zongo. Le second, que les soroïstes qualifient volontiers de « barbouze », est un proche du Français Robert Montoya, ancien gendarme reconverti dans la vente d’armes en Afrique. Les trois hommes évoquent la situation dans le pays. Bazol enregistre la conversation, Soro aussi.

Depuis que Perez lui a affirmé que le pouvoir planifiait de l’éliminer, le président de l’Assemblée nationale se méfie. « Il a joué leur jeu pour les mettre à l’aise et les pousser à en dire un maximum », assure un collaborateur de Soro. Selon son entourage, il serait ensuite allé présenter les faits et le document audio au chef de l’État – ce qui provoquera de nouvelles tensions et son absence du pays pendant plus de deux mois. Il aurait également informé Blaise Compaoré, l’ancien président burkinabè exilé à Abidjan dont il est resté proche, ainsi que les services de renseignement français.

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Commanditaire

Cette bande, dont le clan Soro assure que la version complète dure plus d’une heure, ne serait pas la seule aux mains des autorités et de la justice ivoiriennes. D’autres conversations privées de l’ex-Premier ministre auraient été enregistrées à son insu, notamment par un Franco-Algérien de 27 ans : Akim Laacher.

Cet ambitieux décomplexé, passé par les rangs de l’UMP de Nicolas Sarkozy, et un temps en couple avec l’une des filles de Dominique de Villepin, a mené des activités de lobbyiste en Côte d’Ivoire. Il y a noué des liens avec des figures du régime et s’est rapproché de Guillaume Soro. Il aurait alors capté plusieurs de leurs entretiens, dont un à Krinjabo (à l’est d’Abidjan), au début de 2018.

Selon le premier cercle de Soro, le commanditaire de ces opérations d’espionnage serait Hamed Bakayoko, l’actuel ministre de la Défense, qu’ils accusent d’avoir « tout fait pour faire plonger » l’ancien chef rebelle. Contacté, ce dernier n’a pas donné suite aux sollicitations de JA. Si les autorités refusent de détailler l’ensemble des accusations portées contre Soro, elles assurent que le dossier est accablant. « Nous avons beaucoup de choses contre lui. Tout cela, notamment les autres enregistrements, sera rendu public, à doses homéopathiques, d’ici à l’élection présidentielle », prévient une source proche du dossier.

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