Royaume-Uni – Afrique : à l’approche du Brexit, Londres repense sa stratégie africaine

Pour trouver de nouveaux débouchés sur le continent, le Royaume-Uni et ses entreprises vont devoir sortir de leur zone de confort et renégocier des accords.

Sommet Royaume-Uni – Afrique, le 20 janvier 2020 à Londres. © Ben Stansall/AP/SIPA

Sommet Royaume-Uni – Afrique, le 20 janvier 2020 à Londres. © Ben Stansall/AP/SIPA

NICHOLAS-NORBROOK_2024 OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 20 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

Discours d’ouvertude du Premier binistre britannique Boris Jonhson, durant le premier Sommet Royaume-Uni – Afrique, le 20 janvier 2020 à Londres. © Matt Dunham/AP/SIPA
Issu du dossier

Royaume-Uni – Afrique : vers un New Deal

Dans les relations entre Londres et le continent, la perspective du Brexit rebat les cartes. Le premier sommet Royaume-Uni – Afrique, qui se déroule à Londres ce 20 janvier, est l’occasion de faire le point.

Sommaire

Et si le Royaume-Uni redécouvrait l’Afrique grâce au Brexit ? Sa sortie de l’Union européenne (UE) va l’obliger à chercher de nouveaux partenaires économiques, et il pourrait bien les trouver sur le continent. Mais si les Britanniques espèrent s’appuyer sur l’Afrique pour conserver une partie de leur influence à l’échelle mondiale, ils vont devoir repenser leur stratégie.

Depuis la fin des années 1980, les échanges commerciaux ne constituent plus le pilier des relations entre Londres et l’Afrique, et ont été suppléés par l’aide publique au développement (APD). Pourtant, le Royaume-Uni a tardé à tenir ses engagements en la matière, et les 0,7 % du PIB promis dès les années 1970 n’ont été atteints qu’en 2013. Le pays a longtemps compensé en contribuant à hauteur de 15 % au Fonds européen de développement (FED), ce qui représentait 12 milliards de dollars en 2015. Avec le Brexit, Bruxelles perd ainsi son troisième contributeur – derrière l’Allemagne et la France.

la suite après cette publicité

Londres compte retrouver une autonomie complète dans l’utilisation de ses fonds et désormais répondre à ses intérêts propres. « L’aide sera plus précisément distribuée pour répondre à nos impératifs diplomatiques et commerciaux », annonçait Boris Johnson, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères, dès 2017. Devenu Premier ministre, il n’a en revanche pas commenté la baisse récurrente des montants débloqués ces dernières années, et le fait qu’isolée la contribution britannique aura moins d’effets et d’envergure qu’au sein de l’UE à 28. En finançant plus directement, de façon bilatérale, les projets qui lui tiennent à cœur, Londres va gagner en rapidité de décision et d’exécution… Mais dans un nombre de pays plus restreint.

Ni barrière ni quota

Un Royaume-Uni autonome mais plus sélectif, avec une économie en souffrance pour un temps encore indéterminé, ne fournira pas les mêmes niveaux d’aide qu’auparavant à la Sierra Leone, par exemple, où sa contribution représente aujourd’hui près d’un dixième du PIB. Mais avant de voir le commerce supplanter à nouveau l’aide, le Royaume-Uni va déjà devoir s’attaquer à une montagne : la renégociation de ses accords avec l’ensemble de la planète.

« Un travail qui s’annonce long et qui pourrait freiner, dans un premier temps, les échanges avec l’Afrique », estime Gilles Chemla, professeur d’économie à l’Imperial College de Londres. En plus de remettre en question les accords de partenariats économiques (APE) mis en place par l’UE à travers le continent, les conséquences d’un tel changement peuvent se révéler fâcheuses pour certains pays africains qui risquent de perdre leur « accès préférentiel » au marché britannique en faveur de poids lourds tels que la Chine, les États-Unis ou le Brésil.

Londres s’est voulu rassurant en dévoilant, au début d’octobre, son plan de transition post-Brexit en ce qui concerne l’accès à son marché domestique. Le ministre d’État pour le Commerce extérieur, Conor Burns, a assuré que les conditions en cours – pas de barrière douanière ni de quota imposé seront maintenues pendant dix-huit mois pour la plupart des pays les moins avancés. Il a également prévu d’assouplir les conditions d’accès pour des pays comme le Ghana, le Kenya, le Cameroun et la Côte d’Ivoire.

la suite après cette publicité

Quatrième contributeur en Afrique

Mais les fluctuations de la livre sterling, qui a déjà perdu 20 % de sa valeur depuis le référendum de 2016, promettent de changer la donne. Les exportations britanniques sont désormais moins chères et pourraient concurrencer certains produits locaux africains. La valeur des aides et des investissements, qui avait déjà marqué le pas au cours de la décennie, a également diminué. Les investissements directs étrangers britanniques n’ont atteint que 50 milliards de dollars en 2018, soit 10 milliards de moins que cinq ans plus tôt. Alors que Londres investit deux fois plus que Paris à l’échelle mondiale, le Royaume-Uni n’est que le quatrième contributeur en Afrique, derrière la France, les Pays-Bas, les États-Unis et juste devant la Chine.

Enfin, également touchés, les transferts d’argent de la diaspora africaine établie au Royaume-Uni ont eux aussi chuté de 20 % ces trois dernières années. Avec, là encore, un effet déjà mesurable sur certaines économies, comme le Nigeria, où la diaspora britannique envoie chaque année près de 4 milliards de dollars.

la suite après cette publicité

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image