Énergie : Globeleq joue le long terme en Afrique
Financé par l’institution britannique CDC Group, le producteur indépendant d’électricité revendique la première place sur le continent, et vise les 5 000 MW d’ici à 2025. Mais il doit composer avec une concurrence toujours plus rude.
Il y a cinq ans, Mike Scholey faisait son entrée au sein de Globeleq. Aujourd’hui, il dirige l’opérateur britannique de centrales électriques, qui revendique la place de premier producteur indépendant d’électricité (IPP) exclusivement actif en Afrique. Nommé en octobre 2019 pour remplacer Paul Hanrahan, parti vers de nouveaux horizons aux États-Unis, Mike Scholey, jusqu’à présent directeur financier et directeur des opérations, a pris officiellement la tête de Globeleq au début de janvier. Sa mission : maintenir la position de leader de son groupe en atteignant les 5 000 MW de puissance installée sur le continent d’ici à 2025.
Ambitieux, l’objectif ne fait pas peur au patron britannique formé à la London Business School et fort d’une expérience de vingt ans en gestion de projets énergétiques dans les pays en développement. « Nous avons encore beaucoup à faire, mais nous disposons de sérieux atouts, à commencer par notre stratégie de long terme », souligne Mike Scholey, qui dirige une entreprise comptant 500 personnes, dont 50 seulement travaillent au siège de l’entreprise dans le Financial District de Londres.
Et pour cause, Globeleq s’appuie sur du « capital patient », pouvant s’engager sur quinze à vingt ans dans des projets contre sept à huit ans pour des fonds d’investissement.
Le groupe est en effet détenu à 70 % par l’institution financière de développement britannique CDC Group et à 30 % par le fonds de développement norvégien Norfund. Ce dernier a remplacé en 2015 le fonds d’investissement Actis en rachetant pour 227 millions de dollars sa participation, valorisant ainsi Globeleq à plus de 750 millions de dollars.
Flexibilité et expérience, des atouts pour élargir son empreinte
Lancé en 2002, Globeleq a été un temps actif aussi en Amérique latine et en Asie, avant de se concentrer uniquement sur l’Afrique. Au fil des ans, il y a construit un solide portefeuille : il est l’opérateur de treize centrales électriques dans cinq pays – Côte d’Ivoire, Cameroun, Tanzanie, Kenya et Afrique du Sud –, soit 1 413 MW de puissance installée. C’est lui qui gère la centrale ivoirienne au gaz d’Azito (460 MW), assurant 25 % de l’électricité du pays. Il compte aussi à son actif la centrale à gaz de Kribi et celle à fioul de Dibamba, au Cameroun, pour une capacité totale de 304 MW.
Le groupe a développé une présence continentale, à la différence de l’un de ses principaux concurrents, Eranove
Outre la centrale à gaz de Songas, en Tanzanie (190 MW), et celle à fioul de Tsavo, au Kenya (75 MW), Globeleq dispose de huit unités d’énergies renouvelables (solaire et éolienne) en Afrique du Sud. Plus de 300 MW sont en construction, à savoir l’extension de 253 MW d’Azito, en Côte d’Ivoire (menée avec IPS West Africa), et une future centrale solaire de 52 MW à Malindi, au Kenya. Le groupe a développé une présence continentale, à la différence de l’un de ses principaux concurrents, Eranove, qui dispose de 1 250 MW de puissance installée. Également présent dans cinq pays, l’opérateur détenu par le fonds ECP reste concentré sur l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Mali, Togo, mais aussi Gabon et Madagascar).
Pour continuer à faire la course en tête, Globeleq veut élargir son empreinte. Cette année, il espère démarrer la construction d’une centrale solaire de 15 MW (à Cuamba) au Mozambique, tout en travaillant sur un projet de centrale à gaz de 420 MW à Temane – dans le cadre d’un projet estimé à 1,4 milliard de dollars incluant une ligne de transmission de 400 kV vers la capitale, Maputo –, et sur un parc éolien à Namaacha (120 MW).
Ce statut de « faux privé » lui permet d’être compétitif
L’opérateur est également sur les rangs en Tunisie, en Éthiopie, en Égypte, en Zambie, à Madagascar, au Swaziland et au Bénin, et il compte renforcer sa présence en Tanzanie, au Kenya et en Afrique du Sud. La réussite de Globeleq tient à plusieurs facteurs. « Nous sommes flexibles d’un pays à l’autre, et d’une technologie à l’autre, et nous ne sommes pas limités par la taille du projet, explique Mike Scholey. Nous pouvons développer de plus petits projets, faire des acquisitions et avoir recours à toute une gamme de financements, y compris en monnaie locale. »
Cette flexibilité, combinée à son expérience, confère au groupe une crédibilité renforcée par l’identité de son actionnaire majoritaire. « Si CDC Group est une institution financée par le gouvernement britannique, son mode de gestion, et par ricochet celui de Globeleq, est aligné sur le secteur privé, gage d’efficacité », note un bon connaisseur du monde énergétique. « Ce statut de ‘faux privé’ lui permet d’être compétitif, relève un concurrent. Grâce à son accès facilité aux capitaux, il propose un coût du kWh inférieur à celui que proposent les vrais acteurs privés. » Reste que tout n’est pas gagné.
Ces dernières années, Globeleq a vu arriver des concurrents encore plus compétitifs : des opérateurs de centrale financés par des fonds souverains. C’est le cas du saoudien Acwa Power, dominant au Maroc, présent en Égypte et en Afrique du Sud, mais aussi du norvégien Scatec Solar (Égypte, Afrique du Sud, Mozambique et Rwanda). Pouvant s’endetter massivement et à très faible coût, ils proposent des tarifs du kWh en deçà de ceux de Globeleq. Cela explique que l’opérateur britannique ne cherche pas à s’implanter au Maroc et qu’il n’ait pas brillé lors d’une série d’appels d’offres pour cinq projets photovoltaïques représentant 500 MW. Scatec a présenté l’offre la moins-disante pour quatre des cinq projets, l’alliance Engie-Nareva Holding arrivant en tête sur le cinquième.
Globeleq, associé au français Akuo, est arrivé deuxième sur l’un des projets, une centrale de 200 MW à Tataouine. En définitive, le gouvernement tunisien a attribué trois centrales à Scatec Solar, une à l’opérateur émirati Amea Power, allié au chinois TBEA Xinjiang New Energy, et la dernière à Engie-Nareva Holding. Sorti bredouille de cette première phase, Globeleq est toutefois en lice pour une série d’appels d’offres concernant des projets éoliens de 300 MW dont les gagnants doivent être annoncés à la mi-2020.
Répondre à une demande croissante en technologies renouvelables
Avec cette concurrence accrue et la baisse tendancielle du coût des énergies renouvelables, la rentabilité des projets est en recul, « de 5 % à 10 % sur les dernières années », estime Mike Scholey. Sans oublier les difficultés récurrentes pour se faire payer par certains clients, ce qui constitue « un problème dans un pays et une préoccupation dans un autre », confie-t-il, refusant d’être plus précis. « Nous répartissons le risque grâce à une combinaison de projets à un stade de développement précoce et à un stade avancé, ce qui nous offre une meilleure visibilité en matière de trésorerie », reprend le patron, ajoutant que s’« il n’y a aucun problème pour financer des projets compris entre 500 et 700 millions de dollars, au-delà, c’est plus compliqué ».
Nous devons investir pour accroître notre savoir-faire
Globeleq, comme tous les autres acteurs, est confronté à un dernier défi : répondre à une demande croissante en technologies renouvelables, sachant que le problème du stockage de ces énergies intermittentes n’est pas encore résolu. Actuellement, 61 % de l’électricité produite par Globeleq est issue de centrales à gaz, 15 % de centrales solaires et autant (12 %) de parcs éoliens que de centrales à fioul. Pour rééquilibrer son mix énergétique, Globeleq doit gagner en compétences.
« Nous ne sommes pas comme certains grands groupes qui bénéficient d’un effet d’apprentissage lié à leurs projets développés ailleurs dans le monde, souligne Mike Scholey, passé par le spécialiste de l’éolien Continental Wind Partners. Nous devons investir pour accroître notre savoir-faire, d’où notre décision d’aller en Afrique du Sud sur de l’éolien et du solaire. » Au Mozambique, dans le cadre du projet solaire de Cuamba, le groupe travaille sur un projet de stockage par batterie. Une autre façon de préparer l’avenir.
Gridworks se positionne sur la distribution
Le continent a besoin de produire plus d’énergie. Mais il doit aussi investir dans les réseaux de distribution. Partant de ce constat, CDC Group a lancé en juin 2019 la société Gridworks, spécialisée dans le transport d’électricité et les solutions énergétiques off-grid. Dirigée par Simon Hodson, Gridworks dispose d’un capital de 300 millions de dollars. À la fin de 2019, Gridworks a réalisé son premier investissement, injectant 7,2 millions de dollars dans le sud-africain Mettle Solar, fournisseur de solutions solaires (80 kW à 10 MW) pour les entreprises, afin d’accélérer son essor en Afrique du Sud, en Namibie et au Kenya.
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