Le steak halal « de luxe » devient tendance en France

À contre-courant de l’air du temps, les musulmans de France plébiscitent les restaurants servant de généreuses portions de viande grillée. Notre sélection d’adresses à Paris.

Restaurant – Steak House (Hallal), le Cave Man’s Barbe B Que, à Bagnolet, créé et dirigé par Rafik Koudil (g) et Brahim Bahmed (assis). Vincent Fournier/JA © Vincent Fournier/JA

Restaurant – Steak House (Hallal), le Cave Man’s Barbe B Que, à Bagnolet, créé et dirigé par Rafik Koudil (g) et Brahim Bahmed (assis). Vincent Fournier/JA © Vincent Fournier/JA

leo_pajon

Publié le 23 janvier 2020 Lecture : 7 minutes.

Ne cherchez pas dans le Michelin, le Gault&Millaut ou le Fooding… Les établissements dont nous allons parler ici échappent aux radars des guides traditionnels français. D’abord parce qu’il n’y a pas de référencement spécifique pour les adresses « halal ». Ensuite parce qu’il faut bien avouer que les « viandards » ne sont plus très bien vus dans le petit monde de la gastronomie tricolore, la consommation excessive de viande n’étant bonne ni pour la planète (émissions de gaz à effets de serre…), ni pour la santé (risques de maladies cardiovasculaires, cancers du côlon…), et encore moins pour les bêtes, découpées en morceaux.

Et pourtant, la communauté musulmane plébiscite les steakhouses haut de gamme. Ces trois dernières années, beaucoup de restaurants halal de grillades, de burgers chics et autres barbecues texans ont ouvert dans la capitale et en banlieue parisienne. La plateforme PLBA (pour « Partage les bonnes adresses ») les recense sur Instagram pour près de 169 000 abonnés, et via une application téléphonique… Preuve que le sujet allèche plus d’un gourmand.

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D’où vient la tendance ?

D’abord des réseaux sociaux. Insta, Facebook et consorts ont contribué à assaisonner les entrecôtes et autres ribs d’une bonne dose de « hype ». Car ces nouveaux lieux savent se vendre sur le web, le chef le plus malin étant sans conteste Nusret Gökçe, plus connu sous son pseudonyme de Salt Bae.

Le boucher-entrepreneur turc, réputé pour sa gestuelle très théâtrale lorsqu’il coupe et sale ses viandes, n’est pas seulement devenu un « mème internet » en 2017. Il a créé sa chaîne de steakhouses baptisée Nusr-Et : 15 établissements implantés entre autres à Ankara, Abou Dhabi, Mykonos, Miami et New York, qui accueillent les grandes stars du foot, comme Ribéry, Pogba, Messi, Benzema… et vendent leurs plats à prix d’or (certaines parties de bœuf étant d’ailleurs pailletées d’or).

Le phénomène a suscité des vocations en France… et décomplexé des restaurateurs qui n’hésitent plus à facturer une belle pièce de viande jusqu’à 50 euros !

Je n’ai pas souvenir d’avoir savouré, quand j’étais jeune, une entrecôte halal qui avait du goût… L’agneau ou la volaille, on les mangeait chez nos parents

Mais au-delà, ces nouveaux établissements viennent combler un vide, répondre à une frustration. « Je n’ai pas souvenir d’avoir savouré, quand j’étais jeune, une entrecôte halal qui avait du goût… L’agneau ou la volaille, on les mangeait chez nos parents, se souvient Aziz Belhadj, patron du steakhouse Taem, à Paris. Et combien de fois, lorsque je me suis offert un restaurant étoilé, j’ai dû me replier sur les poissons… »

Aujour­d’hui, des musulmans ont les moyens et l’envie de manger ailleurs que dans les fast-foods, où ils étaient sûrs de trouver du halal

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« Aujour­d’hui, des musulmans ont les moyens et l’envie de manger ailleurs que dans les fast-foods, où ils étaient sûrs de trouver du halal », complète Nazim Mazari, 33 ans, gérant de deux restaurants chics à Paris (Les Grands Enfants, le Sixième) et du New Steakhouse, à Noisy-le-Sec. Les steakhouses haut de gamme sont en fait le chaînon manquant entre le kebab ou la rôtisserie et le restaurant gastronomique. Ni réellement intimidant ni totalement dépaysant pour qui veut déguster une très bonne viande dans un cadre luxueux.

Et, pour la nouvelle génération, ils sont aussi devenus des lieux de réseautage. Car, le midi surtout, ces établissements sont trustés par une clientèle de jeunes cadres moyens ou supérieurs. Parce que la déco est chic, parce qu’une belle viande renvoie à un gros repas familial et rassurant, les steakhouses se prêtent aux déjeuners d’affaires.

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En s’appuyant sur les avis de ses collaborateurs et des dégustations dans plusieurs établissements, Jeune Afrique vous livre sa sélection des meilleures adresses parisiennes.

  • BEY STEAKHOUSE

Le plus VIP

Cet établissement a ouvert il y a un peu plus d’un an derrière le palais des Congrès, dans le cossu 17e arrondissement, dans l’Ouest parisien. Il s’inspire, de l’aveu même du patron, Ali Alci, de l’exemple de Salt Bae. D’ailleurs, il accueille aussi son lot de stars : du footballeur Samuel Umtiti à l’humoriste Ahmed Sylla en passant par le rappeur Niska.

La déco or et noir joue la carte du luxe. Fauteuils de designer, sol en béton ciré, luminaires chics, service affable… L’établissement pourrait passer pour un étoilé. Surtout lorsqu’on jette un coup d’œil à l’addition. Mais l’étal mis à la disposition du personnel qui découpe la viande, ouvert sur la salle, rappelle qu’on est bien dans un steakhouse.

Certaines pièces sont maturées entre quatre et cinq semaines, c’est-à-dire vieillies dans des caves spéciales à une certaine température pour faire fondre le gras et les rendre plus goûteuses

Lors de notre passage, la viande, de race black angus, était importée d’Argentine, des États-Unis et d’Australie. « On ne trouve pas la même qualité en France », justifie le patron. Même si le bilan carbone de l’assiette doit laisser à désirer, il faut bien admettre que le résultat est parfait.

Côte de bœuf de 400 g (49 euros) fondante à souhait, entrecôte savoureuse de 350 g (46 euros) d’une tendreté exceptionnelle… Certaines pièces sont maturées entre quatre et cinq semaines, c’est-à-dire vieillies dans des caves spéciales à une certaine température pour faire fondre le gras et les rendre plus goûteuses.

Rien à redire sur l’accompagnement – notamment des frites maison fines et peu grasses – et des condiments à disposition sur la table (gros sel, piment pas trop violent). Enfin une petite précision qui aura son importance pour certains : ici, on peut consommer de l’alcool.

Bey Steakhouse, 7, rue Waldeck-Rousseau 75017 Paris Tél. : 01 46 22 16 84

  • TAEM RESTAU BILLOT

Le plus savoureux

Cette adresse ouverte en 2017 affiche un petit côté new-yorkais, avec ses murs de briques et ses tablettes connectées, qui permettent de choisir son menu dès qu’on s’assoit. Mais, dans l’assiette, c’est le meilleur de la viande française qui est proposé.

Le patron, Aziz Belhadj, a appris le métier de boucher sous la houlette d’Yves-Marie Le Bourdonnec, l’un des grands noms du secteur, spécialiste de la maturation des viandes. Surtout, le maître des lieux a fait un petit tour d’Hexagone à la rencontre des meilleurs éleveurs pour choisir des viandes premium qui sont détaillées dans le laboratoire du restaurant, sous les yeux du client.

On préfère proposer des portions de 200 ou de 250 g, contre environ 300 d’habitude, pour pouvoir resserrer les tarifs

On trouve ici les races les plus en vue du moment : le bœuf wagyu (race originaire du Japon) et le bœuf de Galice (une race espagnole)… mais à des prix abordables. « On préfère proposer des portions de 200 ou de 250 g, contre environ 300 d’habitude, pour pouvoir resserrer les tarifs », précise Aziz Belhadj.

Que les gros mangeurs se rassurent, ils atteindront la satiété. À tester absolument : le cornet de lamelles de bœuf caramélisées (10 euros) et l’entrecôte de Galice de 250 g maturée quarante-cinq jours (47,50 euros). Votre budget ne vous permet pas de faire des folies ? Un « menu viande » de 36 euros (entrée, viande et accompagnement, dessert) ou un menu burger de 15 euros (burger et accompagnement plus boisson) sont prévus pour vous ! À noter qu’une boutique boucherie doit ouvrir dans le restaurant au premier trimestre de cette année.

Taem Restau Billot 14, rue Popincourt, 75011 Paris Tél. : 01 73 77 38 74

  • CAVEMAN’S BAR-B-QUE

Le plus texan

Le dépaysement est total dès qu’on passe l’entrée. Avec ses fanions, ses casques de football américain miniatures, son grand comptoir, cet établissement pourrait passer pour un pub américain pour fanas de sport.

Mais dans l’assiette, les viandes proposées sont uniques. « Après un voyage au Canada et aux États-Unis, où j’ai travaillé en restauration, j’ai découvert les restos de barbecue texan, raconte Rafik Koudil, le Français d’origine algérienne qui a monté le restaurant en juillet 2019 avec son ami et associé Brahim Bahmed. Ce qui m’a frappé, sur place, c’est la convivialité et les énormes portions de viande, près de 1,5 kg pour deux personnes ! Je voulais importer le concept en le “gastronomisant”. »

Les clients viennent de très loin, au-delà de Paris, pour ces assiettes au goût texan

On retrouve bien l’énorme four américain où la viande est cuite à basse température uniquement à la fumée de bois (il n’y a pas de contact avec des braises ou des flammes) entre dix et vingt heures. Mais les viandes sont scrupuleusement sélectionnées : de la blonde de Galice ou de la black angus, marbrées, persillées, c’est-à-dire suffisamment grasses pour supporter une cuisson longue.

À l’arrivée, dans l’assiette, des pièces d’une tendreté exceptionnelle, juteuses, avec un parfum et un goût délicieusement fumé. À tester, le brisket : de la poitrine de bœuf fumée plus de seize heures (250 g, 30 euros). Ou, si vous vous sentez l’âme guerrière, les beef ribs : des travers de bœuf, plus forts en goût (500 g, 60 euros).

Les clients viennent de très loin, au-delà de Paris, pour ces assiettes au goût texan. Et les patrons, quelques mois après l’ouverture, ont déjà été démarchés… par des restaurateurs marocains, et pour créer une franchise !

CaveMan’s Bar-B-Que, 3, rue du GénéralLeclerc, 93170 Bagnolet Tél. : 09 83 09 47 71

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