Privée de son partenaire russe, Kraoma cherche sa rentabilité

Après le départ du russe Ferrum Mining, la société d’État malgache chargée de l’exploitation du chrome doit faire face à ses dettes et à un cours du chrome trop bas pour lui permettre de faire des bénéfices.

Ferrum Mining a décidé d’arrêter l’exploitation du site en décembre 2019. © Gaelle Borgia

Ferrum Mining a décidé d’arrêter l’exploitation du site en décembre 2019. © Gaelle Borgia

Publié le 28 janvier 2020 Lecture : 2 minutes.

Usine de la mine d’or de Tongon, en Côte d’Ivoire, exploitée par la compagnie Randgold (devenu Barrick ; photo d’illustration). © Olivier pour JA
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Mines en Afrique : le grand bouleversement

Du défi de la sécurité pour les miniers au Sahel, en passant par les changements à l’œuvre dans la filière diamant en Angola, où la commercialisation des pierres a été libéralisée, ainsi qu’à Madagascar, où le gouvernement veut faire le ménage pour défendre ses intérêts, avec un nouveau code minier, Jeune Afrique s’arrête sur les grandes tendances du secteur, en commençant par le point de vue de Mark Bristow, figure de proue du secteur aurifère.

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L’alliance minière ­russo-malgache au moment des élections avait beaucoup surpris. Un an plus tard, le divorce semble consommé. « Notre partenaire russe, Ferrum Mining, a pris la décision unilatérale d’arrêter complètement l’exploitation à partir de décembre 2019, reconnaît le directeur général de l’entreprise d’État Kraoma, Nirina Rakotomanantsoa. Ils ont quitté le site et emporté leur production. Nous attendons la formalisation [de cette rupture], car le contrat n’est pas encore officiellement rompu. »

Pourquoi ce départ ? « Ils n’ont pas donné de raison officielle, mais ils se sont plaints que l’exploitation n’était pas rentable sur leurs périmètres », ajoute le directeur. Selon les informations officielles parues sur le contrat signé en août 2018 par l’administration du précédent président, les Russes devaient investir 16 millions de dollars et obtenir le droit d’exploiter trois permis de chrome de Kraoma.

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Seulement 15 000 t de chrome exportées

Les anciens partenaires abandonnent une société en grande difficulté tant au niveau financier qu’au niveau opérationnel. Les dettes de Kraoma atteignent 9,6 millions d’euros, selon les états financiers de 2018. La compagnie doit notamment 5 millions d’euros à la multinationale Stork, implantée en Autriche. Selon nos informations, cette dernière entamera une action en justice en février si aucun arrangement n’est trouvé d’ici là.

En 2019, seule une petite quantité de chrome, 15 000 t, a été exportée par Kraoma, aux dires de son directeur général. Mais, surtout, la mine n’est pas rentable. La tonne de chrome se négocie actuellement à 120 dollars en Chine (coût, assurance et fret inclus). Or les frais de production et de transport du gisement au port de Tamatave avoisinent déjà cette somme… La société ne peut donc mécaniquement pas faire de bénéfice.

Le ralentissement de l’activité de la mine n’est pas sans conséquences sur la situation économique et sociale de la ville de Brieville, voisine du site, dont la dégradation inquiète les autorités locales. Le directeur général de Kraoma a pour projet d’utiliser les permis d’or obtenus par son entreprise sous la présidence de Didier Ratsiraka, profitant de la hausse des cours du métal pour relancer son entreprise. Il cherche aussi un nouveau partenaire investisseur. « Notre plan est prêt et validé », assure-t-il.

Un ancien directeur général de la Kraoma en prison

Arsène Rakotoarisoa, directeur général de la Kraoma de juillet 2014 à août 2018, a été arrêté. Déferré au parquet du Pôle anti-corruption le 25 janvier, il se trouve actuellement sous mandat de dépôt à la prison d’Antanimora, à Antananarivo.

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Selon Mamy Rakotomahefa, le procureur en charge du dossier, l’ancien directeur général est accusé d’avoir détourné au moins 22 millions d’euros, 35 000 tonnes de chrome et d’avoir commis des abus de biens sociaux.

Outre Arsène Rakotoarisoa, qui dirigeait la Kraoma au moment où les dettes envers Stork se sont accumulées et a démissionné le jour de la signature du contrat de partenariat avec les Russes, trois autres personnes ont été placées sous mandat de dépôt : un commercial de Kraoma, un transitaire et un gérant d’une société cliente de Kraoma, Stony. Enfin, cinq autres personnes ont été déferrées et placées sous contrôle judiciaire. Tous les huit sont visés par un ou plusieurs des chefs d’accusation qui visent Arsène Rakotoarisoa, ou sont accusés de complicité. L’instruction se poursuit.

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