« Adam », un huis clos intime sur la condition des femmes au Maroc

Avec Adam, son premier long-métrage de fiction, Maryam Touzani explore la condition féminine au Maroc.

Les acteurs Lubna Azabal et Aziz Hattab, à l’affiche du film marocain « Adam » de Maryam Touzani. © AD VITAM Productions

Les acteurs Lubna Azabal et Aziz Hattab, à l’affiche du film marocain « Adam » de Maryam Touzani. © AD VITAM Productions

Renaud de Rochebrune

Publié le 5 février 2020 Lecture : 2 minutes.

«Il y a longtemps, alors que j’étais encore étudiante au Maroc, mes parents ont accueilli une femme célibataire qui, attendant un enfant, vivait une situation très difficile et a fini, après avoir accouché, par donner le nouveau-né à l’adoption. J’ai toujours gardé à l’esprit cette histoire qui m’avait bouleversée. Quand je suis tombée enceinte, elle a resurgi avec une telle intensité que je me suis mise spontanément à écrire un scénario. » Ce scénario, c’est celui d’Adam, premier long-métrage de Maryam Touzani.

Ce film riche en émotions raconte dans une veine réaliste comment Abla, recluse chez elle depuis la mort de son mari et vivant de la vente à domicile de ses pâtisseries, se trouve poussée par sa fille de 8 ans à recueillir Samia, une très jeune SDF enceinte de huit mois. Deux femmes qui, sous le regard de la fillette – qui se montre à l’occasion la plus adulte –, s’aperçoivent qu’elles fuient devant la réalité et doivent réinventer leur vie.

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« Raconter ses propres histoires »

L’essentiel du film est un huis clos où s’entraident, parfois, et s’affrontent, souvent, ces grandes blessées de l’existence qui ont tant de mal à quitter leur très relatif confort pour prendre les décisions radicales qui peuvent changer leur existence dans un Maroc peu ouvert à l’émancipation des femmes.

Maryam Touzani a d’abord été journaliste avant de se tourner vers le cinéma comme scénariste, puis comme actrice et enfin comme réalisatrice. Mariée à la ville avec Nabil Ayouch, le plus connu des cinéastes marocains, elle a participé avec lui à l’écriture de Much Loved, ce film sur les prostituées de Marrakech qui fit tant de bruit en 2015, puis en tant que coscénariste et comédienne à Razzia, le dernier film du même auteur.

Encouragée par celui-ci, qui l’avait incitée à « raconter ses propres histoires », elle a aussi réalisé deux courts-métrages, l’un évoquant la mort de son père, l’autre la vie d’une domestique marocaine.

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Enfance et maternité

La cinéaste a donc déjà manifesté, comme documentariste et auteure de fictions – deux façons « absolument compatibles » de faire du cinéma et d’appréhender le monde –, son intérêt pour les sujets sociaux concernant la vie des femmes. Une vie qu’elle a décidé de scruter, avec Adam, dans le registre de l’intime.

Au point, comme souvent au théâtre, de laisser ses personnages principaux, ces deux femmes superbement interprétées par Lubna Azabal et Nisrin Erradi, « parler » au spectateur moins par ce qu’elles font que par leur capacité à faire comprendre ce qu’elles ressentent, notamment sur leur rapport à l’enfance, à l’enfantement et à la maternité.

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Adam, de Maryam Touzani(sortie en France le 5 février)

Adam, de Maryam Touzani(sortie en France le 5 février)

Remarqué au Festival de Cannes en mai 2019, dans la section officielle Un certain regard, Adam fait à l’évidence partie de ces nombreux films issus du Maghreb qui témoignent depuis peu de l’arrivée au premier plan d’une nouvelle génération de cinéastes prometteurs, au Maroc comme en Tunisie et en Algérie. Nul doute que Maryam Touzani continuera de nous proposer des longs-métrages dignes d’intérêt.

Son prochain film ? « Aucune idée, assure-t-elle. J’aime bien me laisser porter par mon instinct, sinon par le hasard, comme celui qui préside à la rencontre des deux femmes dans Adam. »

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