« L’Allée de manguiers », amours d’« expats » français dans le microcosme diplomatique
Expatriée au gré des affectations de son mari, Lucie Delvert raconte une histoire d’amour dans le monde étrange des « Français de l’étranger ».
Les écrits sur l’expatriation forment un genre littéraire bien particulier. Il s’y trouve, pêle-mêle, des Mémoires de diplomates ayant approché de près les tractations politiques dans tel ou tel pays, des témoignages d’acteurs indirects, des reportages touffus permis par des séjours au long cours, des sommes historiques ainsi que des romans acidulés explorant les relations complexes entre « expats » et « locaux », comme le fameux Cannibale blues, de Béatrice Hammer, paru en 1999.
L’Allée de manguiers, de Lucie Delvert, mélange un peu tous ces genres, même si la couverture oriente le lecteur vers la catégorie « roman ». Difficile pourtant d’écarter l’idée que l’enseignante en collège, diplômée en géographie tropicale et « mariée à un diplomate français dont [elle suit] les affectations à travers le monde » ne nous raconte pas sa propre histoire.
Obligations professionnelles
Celle de Jeanne, une jeune Française qui, débarquée à Dar es-Salaam (Tanzanie) pour ses études, y rencontre son premier amour et fait l’expérience – amère en l’occurrence – de la différence culturelle et des lâchetés masculines. Riaz est en effet d’origine indienne, et l’amour de Jeanne ne suffira pas à éviter un mariage arrangé.
Bientôt pourtant, la jeune femme, qui a trouvé un poste d’enseignante à l’école française de la ville, fait la rencontre de François, le consul français qui s’extrait tout juste d’un divorce difficile.
Ce n’est pas tout à fait un coup de foudre mais cela y ressemble : « François voulait tout savoir de Jeanne et sortait clairement de ses obligations professionnelles pour entrer sur le terrain personnel. Celui qu’elle avait vu derrière son bureau et dans les bottes de sa fonction était maintenant envisagé comme un homme, originaire de la même région qu’elle, qui riait de son humour, qui aimait la même cuisine du terroir, qui avait tant à échanger. Alors qu’elle passait son temps à devoir s’adapter à la différence, elle retrouvait le confort de son bagage identitaire. »
Anectodes consulaires
Et quand l’amour survient, le roman sentimental laisse peu à peu la place à toute une série d’anecdotes sur la vie consulaire d’une petite communauté française en Afrique de l’Est. Lucie Delvert raconte ainsi les démêlées des enseignants avec les délégués des parents d’élèves, les problèmes d’alcoolisme de certains Français à l’étranger, les relations des expatriés avec leur personnel et, notamment, leurs gardiens massaïs, les safaris en brousse dans des lodges luxueux, les soirées dans des restaurants chics et, bien entendu, les moments d’intense activité diplomatique quand une célébrité de l’Hexagone vient à passer par là.
Ainsi, dans le chapitre « Des VIP en Tanzanie », elle décrit les coulisses de la visite du Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin (« grand échalas hyperactif et tout sourire »), et de celle du juge Jean-Louis Bruguière (« hyperimpressionnant », mais « pas le genre à qui l’on a envie de taper sur l’épaule »).
Comme nombre de textes rédigés par des expatriés français dans un pays d’Afrique, et pour peu que l’on sache lire entre les lignes, L’Allée de manguiers permet de découvrir un microcosme bien particulier, un peu à part, qui se perpétue à l’identique au fil du temps.
L’Allée de manguiers, de Lucie Delvert, Balland, 17 euros, 202 pages
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