Sénégal : Moustapha Diakhaté face à Abdou Mbow, une guerre fratricide au sein de la majorité

L’ex-directeur de cabinet de Macky Sall, Moustapha Diakhaté, est désormais en rupture de ban avec les cadres du parti présidentiel. Face à lui, c’est Abdou Mbow, porte-parole adjoint de l’APR et membre de sa commission disciplinaire, qui a été chargé de la riposte.

 © Jeune Afrique

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Publié le 5 février 2020 Lecture : 3 minutes.

Moustapha Diakhaté est un habitué des saillies médiatiques. En lançant, à la fin de janvier, son mouvement, Mànkoo Taxawu sunu APR, et en appelant à une refondation de l’Alliance pour la République (APR, au pouvoir), l’ex-directeur de cabinet de Macky Sall s’est attiré les foudres des cadres du parti présidentiel.

Abdou Mbow, porte-parole adjoint de l’APR et membre de sa commission disciplinaire, a été chargé de riposter. Le 20 janvier, dans un communiqué, ce fidèle du chef de l’État a condamné les « sorties intempestives, maladroites et sans fondement » de Moustapha Diakhaté, ajoutant que ses déclarations le plaçaient « en dehors du parti ».

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La veille, sur le plateau d’une télévision locale, l’ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar avait qualifié l’APR de « masse informe », comparant ses débats internes à une « foire d’empoigne » et plaidant pour une réorganisation de ses instances.

Des propos qu’Abdou Mbow et la commission disciplinaire de l’APR, qui s’est réunie le 21 janvier pour voter l’exclusion du frondeur, ont jugés « séditieux et fractionnistes ». « Ces termes sont une réminiscence de la vieille gauche maoïste et trotskiste », répond l’intéressé. Lui estime que son exclusion « découle de la volonté du président Macky Sall d’étouffer tout débat démocratique au sein de l’APR ».

Vers un troisième mandat ?

Ce n’est pas la première fois que Moustapha Diakhaté décoche une flèche en direction du chef de l’État. Le 27 octobre dernier, alors qu’il était ministre conseiller, il avait ouvertement déclaré que la manière dont Macky Sall gérait la polémique portant sur un éventuel troisième mandat était « contre-productive ». Cela lui avait valu d’être limogé dès le lendemain par décret présidentiel.

« Membre du secrétariat exécutif national de l’APR, Diakhaté avait tout loisir d’exprimer ses frustrations en interne. En le faisant publiquement, il a prouvé qu’il avait une dent contre le président Macky Sall et sa formation », dénonce un responsable du parti.

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Mais l’affaire révèle surtout des dissensions internes. Avec, en creux, la question de la succession du chef de l’État, sujet tabou dans son entourage. « Je ne peux pas parler de troisième mandat. Si je dis que je ne serai pas candidat, les gens ne vont plus travailler. Si je dis que je le serai, ce sera une polémique sans fin », concédait Macky Sall lors de ses vœux à la Nation, le 31 décembre.

L’organisation de primaires est la seule option démocratique pour choisir celui qui portera les couleurs de l’APR

« Si l’on n’aborde pas ces questions-là, le parti se retrouvera sans candidat en 2024, ou bien avec un candidat qui ne passera pas le premier tour, rétorque Diakhaté. L’organisation de primaires est la seule option démocratique pour choisir celui qui portera les couleurs de l’APR. »

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Un avis que ne partage pas Abdou Mbow, qui rappelle que « Macky Sall a été conforté dans ses fonctions de président de l’APR » en novembre 2019, et qu’il peut compter sur le soutien de caciques du mouvement. Parmi eux, Abdoulaye Badji, qui préside sa commission disciplinaire, et Seydou Guèye, le ministre chargé de la Communication, qui ironise sur les « troubles obsessionnels compulsifs » de Diakhaté.

Interrogé à la télévision sur la rapidité de l’exclusion du trublion et la sévérité de cette mesure, Abdoul Mbow assure avoir « pris [ses] responsabilités pour le bien du parti » et jure avoir « la conscience tranquille ». « L’heure n’est pas aux questions de succession ou de troisième mandat, renchérit un responsable de l’APR. Il y a un temps pour faire de la politique, un temps pour travailler. »

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