Moussa Diao donne un nouveau cap à Oryx energies

À la tête du groupe suisse de négoce depuis un an, Moussa Diao veut en renforcer les infrastructures, asseoir ses positions dans la filière GPL et étendre son réseau de stations-service.

Dans ses bureaux genevois, en 2015. © Nicolas Righetti pour JA

Dans ses bureaux genevois, en 2015. © Nicolas Righetti pour JA

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 13 février 2020 Lecture : 5 minutes.

Nommé en février 2019 DG d’Oryx Energies, Moussa Diao a pris son temps pour préparer la feuille de route des trois prochaines années du groupe de négoce de produits pétroliers fondé en 1987 à Genève et centré sur l’Afrique depuis ses origines.

Le nouveau dirigeant, adoubé par le fondateur du négociant, Jean Claude Gandur, figure emblématique du secteur, a fait le tour de ses équipes pour poser un diagnostic des activités d’Oryx Energies : le trading pur, mené depuis la Suisse (5 milliards de dollars de CA en 2019), et le stockage et la distribution, effectués par ses 24 filiales (2 milliards de dollars), présentes dans 17 pays subsahariens. Ce n’est qu’à la fin de novembre que le discret et brillant ingénieur, qui a monté un à un les échelons du groupe, a fait valider ses priorités géographiques et sectorielles par son conseil d’administration.

Ma nomination a constitué une petite surprise, non pas parce que je suis africain, mais parce que j’ai fait l’intégralité de ma carrière dans le groupe

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« Cette phase de maturation était nécessaire pour recueillir les idées et suggestions de nos cadres et de nos salariés, notamment en Afrique, où nous comptons environ 1 400 collaborateurs sur un total de 1 500 », fait valoir celui qui est entré comme trader junior dans l’entreprise, après être passé par le Prytanée militaire de Saint-Louis du Sénégal, l’école polytechnique de Lausanne (EPL) et l’institut français du pétrole (IFP).

« Ma nomination a constitué une petite surprise, non pas parce que je suis africain, mais parce que jusqu’à présent les PDG d’Oryx énergies étaient toujours venus de l’extérieur, alors que j’ai fait l’intégralité de ma carrière dans le groupe », confie Moussa Diao, rencontré dans ses bureaux genevois. Le choix de sa personne est aussi une confirmation de la priorité africaine de la maison mère AOG (ex-Addax & Oryx Group), toujours pilotée par Jean Claude Gandur. Ce Suisse ayant grandi en Égypte garde toujours un œil sur sa branche négoce, mais ne siège plus à son conseil d’administration.

Investir pour compléter l’offre de services logistiques

Fils du négociant pétrolier dakarois Abdoulaye Diao, patron d’Itoc, Moussa attribue son arrivée chez Oryx, non pas à un déterminisme familial mais davantage à son envie de garder un lien avec le continent et à son parcours universitaire ad hoc. À la sortie de l’EPL, ce féru de mathématiques envisageait plutôt une carrière dans la finance. « Je suis arrivé chez Addax (le premier nom d’AOG) comme stagiaire en 1999 et Jean Claude Gandur m’avait dit qu’il y aurait des opportunités pour des cadres africains », se souvient-il.

« Dans les premières années, nous étions une compagnie de trading suisse comme une autre, dont les services s’arrêtaient aux frontières. Puis nous avons décidé de nous installer en Afrique pour résoudre les problèmes logistiques de nos clients ; et, enfin, nous avons saisi des opportunités notamment dans le gaz de pétrole liquéfié (GPL), qui a connu une envolée ces dernières années », rappelle le dirigeant d’Oryx energies.

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Son nouveau et ambitieux plan stratégique prévoit 250 millions de dollars d’investissements en trois ans – contre 650 millions d’euros injectés en Afrique depuis la création du groupe – et 300 recrutements dans huit pays prioritaires, essentiellement d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique de l’Est.

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« Ce sont les pays où les perspectives sont bonnes et les équipes assez solides pour mener des projets de développement », indique Moussa Diao. « Les prix des produits pétroliers sont encadrés et fluctuent selon les cours. Pour augmenter nos parts de marché, nous devons écouler des volumes plus importants et donc investir localement pour créer ou compléter l’offre des services logistiques qui peut faire défaut », dévoile-t-il.

Des ambitions dans le GNL

Oryx Energies affiche trois objectifs prioritaires : renforcer les infrastructures de stockage et de distribution, pour augmenter et diversifier les volumes de produits écoulés ; asseoir ses positions dans la filière GPL ; et, enfin, étendre le réseau de stations-service. Du côté des infrastructures de stockage, le groupe de Moussa Diao a notamment obtenu au Sénégal la concession d’un terminal portuaire à Bargny, à proximité du nouvel aéroport Blaise-Diagne, de Dakar. « Nous ne stockions que du fioul jusque-là. Grâce à ce nouveau terminal, nous allons pouvoir étoffer notre offre et nos volumes », se félicite le Sénégalo-Suisse.

Mais au Sénégal comme ailleurs, c’est dans la branche GPL que Moussa Diao est le plus ambitieux, lui qui a été le pionnier de cette filière pour le groupe au Bénin de 2000 à 2003. « Nous avons en circulation actuellement près six millions de bouteilles de gaz, nous souhaitons atteindre en trois ans les huit millions, avec, en plus, des investissements dans des centres-remplisseurs dans l’hinterland dans les cinq pays où nous sommes en position de leader ou de challenger : le Bénin – où Oryx détient près de 90 % du marché du GPL –, la Côte d’Ivoire (30 %), le Burkina Faso (40 %), la Tanzanie (60 %) et l’Afrique du Sud (15 %) », détaille-t-il.

Moussa Diao veut également ajouter une centaine de stations-service à son réseau (205 aujourd’hui), essentiellement par croissance organique et non par des rachats. Si Oryx Energies a réalisé par le passé des acquisitions de réseaux (Engen, en Ouganda, fin 2012, et Atlas energy, fin 2017, en Gambie), son DG estime que la concurrence des trois géants de la distribution de carburants Total, Vivo Energy et Puma Energy a fait monter les enchères ces dernières années.

Africanisation, rajeunissement et féminisation des cadres

Le dirigeant sénégalo-suisse poursuit par ailleurs l’africanisation des cadres-dirigeants d’Oryx, ainsi que le rajeunissement (42 ans de moyenne d’âge) et la féminisation (25 %) de ses effectifs. « Nous encourageons la mobilité de nos cadres à l’échelon continental ainsi qu’en Suisse. Dix-neuf patrons de nos filiales sur vingt-trois sont africains, notre directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest, Blaise Edja, est ivoirien, et nous avons aussi des marqueteurs originaires du continent basés en Suisse », rappelle-t-il.

Si l’activité d’Oryx est intégralement tournée vers l’Afrique, Moussa Diao entend garder un pied à Genève, où se trouvent selon lui l’expertise et le soutien financier, avec un positionnement au cœur du négoce mondial de matières premières, renforcé d’ailleurs par le Brexit. « C’est ici que nous avons noué un lien de confiance crucial avec des grandes banques européennes qui facilitent prêts et transactions. Sans elles, nous ne pourrions acheter, vendre et nous couvrir contre les risques », explique Moussa Diao.

Interrogé sur les critiques adressées au secteur du négoce, pour son opacité et ses liens avec des dirigeants politiques controversés, Moussa Diao fait valoir qu’Oryx Energies ne travaille jamais directement avec les états et qu’il n’a pas la taille d’un géant mondial tels que ses compatriotes Glencore et Trafigura, qui couvrent tous les continents et l’ensemble des grandes matières premières.

« Le secteur a beaucoup progressé en matière de transparence, estime-t-il. Les autorités financières, les opinions publiques, et les médias, qui s’appuient désormais sur les réseaux sociaux, ont fait évoluer positivement les pratiques », fait-il valoir, rappelant au passage que son groupe n’a jamais été cité dans la moindre affaire controversée.

Oryx en chiffres

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