Internet : Eutelsat en passe de connecter les zones enclavées d’une quarantaine de pays africains
Grâce à son nouveau satellite, l’opérateur européen, déjà actif dans sept pays, fournira dès cette année du haut débit aux zones les plus enclavées du continent.
L’ironie du destin a frappé le monde des télécoms le 16 janvier. Aux premières heures du jour, au large des côtes de la RDC, une panne intervenue sur deux câbles internationaux de fibre optique a ralenti le débit d’internet sur toute la façade ouest du continent. Plus tard le même jour, de l’autre côté de l’Atlantique, en Guyane française, Eutelsat lançait avec succès son satellite baptisé Eutelsat Konnect.
L’appareil, d’une capacité de 75 gigabits par seconde (Gbps), construit par Thales Alenia Space et lancé par Arianespace, doit, à partir de novembre, fournir l’internet haut débit aux zones enclavées d’une quarantaine de pays africains.
Plus qu’un clin d’œil de la providence, c’est une forme de revanche que concrétise l’opérateur européen, dont 10,3 % du chiffre d’affaires a été réalisé en Afrique subsaharienne en 2019 – près de 136 millions d’euros. Ses ambitions africaines avaient été littéralement pulvérisées en 2016 lors de l’explosion en vol du satellite Amos-6, de l’israélien Spacecom, dont il louait de la capacité.
Coté à la Bourse de Paris, Eutelsat avait vite rebondi en fournissant de la capacité de diffusion à l’émirati Yahsat grâce à ses satellites Al Yah-2 et Al Yah-3 à partir de 2017. Les deux programmes, qui connectent à eux deux les trois quarts de l’Afrique, permettent à Konnect Africa, la filiale continentale d’Eutelsat, de proposer des services de haut débit en RDC depuis 2018 et en Côte d’Ivoire depuis octobre 2019 via de revendeurs comme Equity Bank, Espoir Telecom, Lifi-Led ou Coollink.
Concurrencer Yahsat
Ce galop d’essai confirme les ambitions de l’européen sur le continent où, selon la Banque mondiale, 100 millions de personnes vivent hors de portée des réseaux mobiles traditionnels, et où seulement 22 % des domiciles sont équipés de l’internet fixe.
Eutelsat veut passer à la vitesse supérieure avec son propre projet, qui aurait coûté entre 250 et 500 millions d’euros pour une exploitation qui devrait durer quinze ans.
« Avec ce type de satellite, l’objectif est d’atteindre la rentabilité d’ici à trois ou cinq ans », remarque Pacôme Révillon, PDG du cabinet Euroconsult. Dans neuf mois, l’opérateur proposera des accès à internet aux entreprises et aux particuliers jusqu’à 100 mégabits par seconde et du partage de connexion via des hotspots de wifi public. De quoi concurrencer Yahsat sur le haut débit et arriver avant la constellation satellitaire de l’américain ViaSat, prévue pour 2021.
« En réalité, tout l’enjeu pour l’opérateur sera de développer un réseau de distribution efficace pour toucher des utilisateurs périphériques et dispersés », prévient Pacôme Révillon. Sur place, le maillage du territoire est déjà amorcé.
Orange et Thales parmi les clients
« Notre approche se fait par pays. Dans chaque implantation est créée une société locale qui s’allie avec les distributeurs locaux pour couvrir les territoires en profondeur sur deux ou trois pays voisins », explique Jean-Claude Tshipama, DG de Konnect Africa. L’entité compte déjà une centaine de collaborateurs répartis entre la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Cameroun, la RDC, la Tanzanie, le Kenya et l’Afrique du Sud.
« Nous visons les gouvernements et les services publics au sens large, mais aussi les entreprises publiques et privées, comme des exploitations du secteur agricole ou minier, souvent implantées en milieux reculés », énumère Jean-Claude Tshipama. Les agences bancaires, les sociétés d’assurance et les particuliers capables de payer une connexion haut débit font aussi partie des cibles.
« Concernant le retour sur investissement, c’est un pari, car c’est un nouveau segment pour eux », estime le dirigeant d’Euroconsult. La bataille africaine est en tout cas lancée pour l’opérateur, qui se prépare déjà à la prochaine étape : lancer Konnect VHTS en 2021. D’une capacité de 500 Gbps, le satellite compte déjà Orange et Thales parmi ses clients.
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