Face à une opposition togolaise divisée, Faure Gnassingbé marche vers une réélection confortable

À deux semaines de l’élection présidentielle, l’opposition togolaise peine à s’unir pour peser face au chef de l’État sortant, qui se prévaut de son bilan.

Le président togolais Faure Gnassingbé © Yanick Folly / AFP

Le président togolais Faure Gnassingbé © Yanick Folly / AFP

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Publié le 11 février 2020 Lecture : 5 minutes.

Une route de Lomé, au Togo (photo d’illustration). © Jacques Torregano pour JA
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Le Togo à la veille de la présidentielle

Favori du scrutin du 22 février face à une opposition désunie, le président Faure Essozima Gnassingbé mise sur le Plan national de développement pour consolider l’embellie économique que connaît le pays.

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Comment déloger Faure Essozimna Gnassingbé du palais présidentiel ? C’est l’équation à plusieurs inconnues que les six candidats de l’opposition, appuyés par une partie du clergé catholique local, tenteront de résoudre le 22 février, date du premier tour de l’élection présidentielle.

Au début du mois de mai, les députés togolais ont en effet voté une révision constitutionnelle qui permet à l’actuel chef de l’État – au pouvoir depuis 2005 – de se représenter en 2020 et en 2025. L’objectif de l’opposition ne sera pas facile à atteindre. Et pour cause : elle se présente en rangs dispersés.

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Formée à l’été 2017, la coalition C14 a depuis volé en éclats à mesure que les batailles d’ego viraient en conflits de personnes. Et les revirements incessants des leaders commencent à déboussoler leurs partisans.

Les chefs ont d’abord décidé de boycotter les élections législatives du 20 décembre 2018, s’excluant d’eux-mêmes de l’Assemblée nationale, avant de changer de cap – à l’exception du Parti national panafricain, de Tikpi Atchadam – pour prendre part aux municipales du 30 juin 2019.

À mesure que se rapproche l’échéance de la présidentielle, tout ce beau monde cherche encore la formule magique susceptible d’évincer le président sortant.

Candidature unique

Certains ne jurent que par une candidature unique de l’opposition dès le premier tour. L’union ayant pour vertu la force, elle prendrait la forme d’une coalition rassemblant un large spectre, allant des simples déçus du système aux opposants les plus radicaux à toute collaboration avec le « RPT/Unir », au pouvoir.

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Les tenants de cette ligne ont pour autorité morale Mgr Philippe Fanoko Kossi Kpodzro, archevêque émérite de Lomé, et comme postulant à la candidature unique, Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre.

Agbéyomé Kodjo, ici en avril 2013 à Paris, a annoncé sa candidature à la présidentielle du 22 février 2020 au Togo sous les couleurs de la coalition des Forces démocratiques. © Photo de Vincent Fournier/Jeune Afrique

Agbéyomé Kodjo, ici en avril 2013 à Paris, a annoncé sa candidature à la présidentielle du 22 février 2020 au Togo sous les couleurs de la coalition des Forces démocratiques. © Photo de Vincent Fournier/Jeune Afrique

Passé par l’Assemblée nationale, ce dernier a réussi à revenir sur le devant de la scène après une longue éclipse commencée après la mort de Gnassingbé Eyadéma. Il a depuis peu pour porte-parole Brigitte Adjamagbo-Johnson, véritable égérie des tenants de la candidature unique. Celle qui fut longtemps un soutien de Jean-Pierre Fabre estime qu’« il faut laisser de côté les états d’âme pour explorer les pistes qui mèneront [la C14] à la victoire ».

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Mais miser sur Agbéyomé n’est pas sans risques. Cet opposant, « fils spirituel » de feu Eyadéma au point d’en revendiquer l’héritage, a un problème de positionnement sur un terrain politique togolais très polarisé. « Au sein du pouvoir comme de l’opposition, on doute de sa sincérité », décrypte un ancien ministre.

Mais si son passé affaiblit ainsi son projet présidentiel, il le renforce également. Dans le cas où Faure Essozimna Gnassingbé serait contraint d’aller au second tour, c’est vers ce politicien madré qu’il pourrait se tourner pour nouer les alliances nécessaires à la formation d’un gouvernement d’ouverture. Son passage aux affaires – et sa fortune – en fait le prétendant disposant du réseau le plus étendu et le plus dense.

Fortes personnalités

Jean-Pierre Fabre, lui, ne peut être taxé d’inconstance dans son engagement pour le changement. Il a rompu avec son mentor, Gilchrist Olympio, et son Union des forces du changement (UFC) dès l’annonce du rapprochement de ce dernier avec le pouvoir. L’ancien secrétaire général du parti en a alors claqué la porte pour s’en aller créer sa propre formation, l’Alliance nationale pour le changement (ANC).

Par deux fois, il est parti à la conquête du pouvoir présidentiel, en 2010 et en 2015, n’atteignant chaque fois que la deuxième marche. Mais toujours aussi déterminé, voire obstiné, il a soigné ses blessures pour mieux repartir au combat. En phase avec sa base, Jean-Pierre Fabre ne croit pas en un candidat unique qui ne serait pas lui. Il évite donc soigneusement Agbéyomé Kodjo comme d’autres fuiraient la peste.

Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) lors de la campagne électorale de 2015. © Erick Kaglan/AP/SIPA

Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) lors de la campagne électorale de 2015. © Erick Kaglan/AP/SIPA

Même si ce dernier ne tarit pas d’éloges à son sujet dans les médias. L’ANC reste en effet sa meilleure source de soutien, alors que les harangues contre le système et les défaites successives de Jean-Pierre Fabre commencent à lasser jusqu’à ses plus fidèles supporters. Si leur union « compliquerait sérieusement une réélection de Faure », selon un homme politique proche de l’opposition, le scénario reste des plus improbables tant qu’aucune de ces deux fortes personnalités n’acceptera de se mettre en retrait.

Moins connus du grand public, Georges William Assiongbon Kuessan et Aimé Gogué espèrent eux aussi faire entendre leur petite musique. Gogué a quitté la C14 mais, contrairement à une partie de l’opposition, il a laissé ses représentants siéger à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Un signe de modération qui pourrait en faire un allié du pouvoir en cas de second tour.

Nette embellie du climat des affaires

De son côté, Faure Essozimna Gnassingbé peut d’ores et déjà se frotter les mains. Il prépare la course présidentielle dans un contexte international bien plus favorable que par le passé. La communauté des bailleurs de fonds est sous le charme de ce président, qui, en imposant un rythme soutenu de réformes à son pays, lui a fait gagner 59 places en deux ans au classement « Doing Business » édité par la Banque mondiale.

Le Togo fait partie des dix économies du continent où le climat des affaires s’est le plus amélioré. Ses indicateurs macroéconomiques sont au vert, ce qui encourage les partenaires internationaux à appuyer le pays. Au début de décembre 2019, l’Union européenne lui a ainsi octroyé 33 millions d’euros sous forme de don pour la période 2019-2020, dont une première tranche de 19 millions a été versée le 4 janvier.

Sur le plan multilatéral, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) s’est engagé à accompagner le gouvernement dans la conception et la mise en œuvre du Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC), dont l’objectif est « l’amélioration significative des conditions de vie des populations vivant dans les zones peu ou mal desservies par les infrastructures et services sociaux et économiques de base ».

la reprise économique se raffermit

La Banque mondiale multiplie de son côté les projets, et les experts du FMI, après leur visite de décembre 2019, ont estimé que « la reprise économique se raffermit ». D’après leurs estimations, la croissance togolaise s’est accélérée, et devrait passer « de 4,9 % en 2018 à 5,3 % en 2019 et à 5,5 % en 2020 ».

L’hyperactivité de l’actuel président sur le front de la lutte contre la pauvreté le place également en position de force. Son Plan national de développement (PND) rencontre l’adhésion de la population, et ses différentes déclinaisons, comme le Mécanisme incitatif de financement agricole (Mifa), sont vues par les experts comme des réponses pragmatiques. Et il mise sur sa troisième réélection pour mener à bien ses multiples projets de développement.

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