Un grand pas en avant pour l’économie béninoise

Une croissance forte, des investissements soutenus, un déficit et une dette maîtrisés… Le Programme d’actions du gouvernement (PAG) a remis le pays sur les rails. Mais les performances qu’il a permis d’enregistrer sont-elles pérennes ?

Vue aérienne du port Autonome de Cotonou, au Bénin, le 24 février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

Vue aérienne du port Autonome de Cotonou, au Bénin, le 24 février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 25 février 2020 Lecture : 5 minutes.

Patrice Talon et Louis Vlavonou, le président de l’Assemblée, devant le siège de l’institution, à Porto-Novo, le 27 décembre 2019. © PR Bénin
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Bénin : un test et des promesses

Alors que les réformes structurelles ont porté leurs fruits sur le plan économique, les prochaines élections locales sont l’occasion d’évaluer, à un an de la présidentielle, la refonte totale du système politique engagée en 2019 par Patrice Talon.

Sommaire

Les équipes du Fonds monétaire international (FMI) qui se succèdent à Porto-Novo et à Cotonou ne sont pas avares de compliments sur la situation économique du Bénin. Dans son rapport publié en juin 2019 sur le pays, le Fonds souligne que ses « administrateurs félicitent les autorités d’avoir mis le ratio de la dette publique sur une tendance baissière ».

En novembre 2019, après un séjour de deux semaines dans la capitale économique, le chef de la mission du FMI pour le Bénin estime que « les résultats obtenus dans le cadre du programme appuyé par le Fonds ont été très satisfaisants jusqu’à présent. Tous les critères quantitatifs de performance à fin juin 2019 et le repère structurel du programme à fin septembre ont été respectés ».

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Bonne gouvernance

Cette bonne gouvernance se traduit dans les indicateurs économiques. La croissance est forte, tirée par l’activité agricole, portuaire, ainsi que les services, et son rythme s’accélère régulièrement : de + 4 % en 2016 (en prix constants) à + 6,4 % en 2019 selon le FMI, qui prévoit une stabilisation autour de + 6,7 % à partir de 2020.

L’inflation semble maintenue sous les 2 % grâce à de bonnes récoltes vivrières. Les recettes fiscales rentrant mieux, le déficit budgétaire est contenu sous le plafond des 3 % du produit intérieur brut (PIB) fixé par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Quant au poids relatif de la dette publique, il devrait baisser à partir de cette année et présente peu de risques.

Au Bénin, un décollage à cadence soutenue

Au Bénin, un décollage à cadence soutenue

« L’économie se porte bien, analyse le Sénégalais Atou Seck, responsable des opérations de la Banque mondiale au Bénin depuis août 2019. Trois facteurs expliquent sa bonne croissance : le boom de la production cotonnière, la hausse des recettes portuaires et le dynamisme de la construction. »

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Les réformes impulsées par le président Patrice Talon y ont aussi contribué : libéralisation du secteur cotonnier, assouplissement du droit du travail, meilleure protection du droit de propriété, renforcement et numérisation des administrations fiscale et douanière, bonne gestion de la dette publique – qui a valu le prix Global Markets 2019 au ministre de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni.

Efforts budgétaires

La stratégie des autorités béninoises incarnée dans le Programme d’actions du gouvernement (PAG 2016-2021) « Bénin révélé » est claire. Pour pallier le retard sévère du pays en matière d’infrastructures (énergie, routes, ports, aéroports), les budgets successifs ont fait la part belle aux investissements publics. Le Bénin est l’État membre de l’Uemoa qui consacre en moyenne la plus importante partie de son PIB à l’investissement.

Le Bénin, deuxième taux de croissance de l'UEMOA © JA

Le Bénin, deuxième taux de croissance de l'UEMOA © JA

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Il ne suffit plus d’être le producteur africain numéro un de coton. Il faut diversifier l’économie. Pour cela, le chef de l’État attend des efforts budgétaires et des réformes libérales engagées qu’ils séduisent les investisseurs, afin que s’amorce une transition vers une économie tirée par le secteur privé. Avec l’objectif non dit d’être plus que jamais la porte d’entrée et le fournisseur incontournable du voisin nigérian.

Les investisseurs privés ne se bousculent pas pour venir au Bénin

Cette politique se heurte à des vents contraires. « Les investisseurs privés ne se bousculent pas pour venir au Bénin, constate Dominique Fruchter, économiste à la société d’assurance-crédit Coface. L’environnement des affaires n’y est pas extraordinaire et se situe même au-­dessous de la moyenne régionale. La corruption, une réglementation un peu trop lâche, une protection insuffisante des actionnaires minoritaires effraient. Certes, des textes améliorant la situation ont été adoptés, mais leur mise en œuvre est lente. »

Le contraste est en effet important avec son voisin le Togo, qui se distingue comme étant l’un des dix pays les plus réformateurs au monde, selon le rapport « Doing Business » 2020 sur le climat des affaires publié par la Banque mondiale en décembre 2019, et qui s’est hissé au 97e rang sur les 190 pays analysés. Le Bénin, lui, même s’il progresse de quatre places par rapport au classement 2019, n’apparaît encore qu’au 149e rang. « Il faut toujours du temps pour que les investisseurs se laissent convaincre, rappelle Atou Seck. Le Bénin doit aussi renforcer sa formation professionnelle et améliorer son cadre réglementaire. »

Développement humain en progrès au Bénin © JA

Développement humain en progrès au Bénin © JA

Des événements passés ou à venir inquiètent également. « Les violences qui ont suivi les législatives d’avril 2019 et l’interdiction de l’opposition sont toujours présentes dans les mémoires, tout comme l’enlèvement des deux touristes français dans le Nord [en mai 2019], déclare Dominique Fruchter. Les élections municipales prévues en mai 2020 et la présidentielle en 2021 pourraient donner lieu à des relâchements budgétaires. »

Résilience face au blocus nigérian

Ce qui complique le plus la stratégie du gouvernement, c’est le Nigeria. Pour protéger ses productions nationales, notamment le riz, et éviter que son carburant subventionné ne profite aux Béninois, ce pays géant garde sa frontière terrestre avec le Bénin fermée depuis le 20 août 2019. Il prétexte que la contrebande et les bas prix qui en résultent génèrent une concurrence déloyale et privent ses budgets de recettes douanières importantes. Le Niger et le Tchad sont aussi pénalisés par ce blocus, mais moins que le Bénin, dont 20 % du PIB dépendent du commerce avec les 190 millions de consommateurs nigérians.

Le protectionnisme d’Abuja n’est pas une nouveauté, mais il entre en contradiction avec le projet de marché commun de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Cela oblige le Bénin à se remettre en question : le FMI, qui tablait avant la fermeture de la frontière terrestre sur un taux de croissance de 6,7 %, a revu ce dernier à la baisse, à 6,4 %. Il est une sorte de pays structurellement « contrebandier », ce qui explique en partie la surprenante résilience de son économie face au blocus nigérian : les 700 km de frontière sont tout sauf hermétiques, et les trafics n’ont pas cessé… Certaines conséquences du blocage sont positives.

« Par exemple, explique Atou Seck, le prix de l’essence vendue au Bénin au coin de la rue est passé de 325 à 525 F CFA [d’environ 0,50 à 0,80 euro], plus proche de celui de l’essence “formelle”, qui est de 550 F CFA. L’augmentation de la consommation de l’essence formelle a entraîné un peu plus de rentrées de taxes pour le budget de l’État, qui contrebalance la réduction des droits de douane. »

Nécessité de règles communes

Reste que, au lieu de tirer la couverture chacun de son côté – le Nigeria protégeant ses produits et ses droits de douane, et le Bénin, son import-export florissant et ses prix « au noir » –, les deux pays auraient intérêt à s’entendre sur des règles communes et sur les moyens de les faire respecter. Le cas du riz est emblématique. Le Bénin est le premier importateur mondial de riz thaï, qu’il exporte avant tout au Nigeria, lequel entend se protéger de cette invasion en installant des barrières douanières, qui aggravent le problème.

Le droit de douane sur le riz importé est de 70 % au Nigeria et de 7 % au Bénin. Cette différence constitue une énorme tentation pour les contrebandiers, les commerçants et les consommateurs nigérians. La solution serait que les deux pays s’entendent sur un tarif extérieur commun, comme cela est prévu par la Cedeao.

Sa taille peut dispenser le Nigeria de jouer la carte communautaire à court terme. Sa vulnérabilité devrait inciter le Bénin à sortir plus vite de l’informel et de la contrebande, et à appliquer des règles claires qui rassureraient investisseurs, entrepreneurs et États partenaires.

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