Le Bénin attend toujours la restitution de son patrimoine promis par la France

Si les autorités préparent activement le retour d’objets et d’œuvres pillés pendant la colonisation, elles mettent un point d’honneur à le faire avec patience et discernement.

Ces trois statues royales du Dahomey (XVIIIe siècle), exposées au musée du Quai-Branly, à Paris, font partiedes Suvres qui doivent être restituées au Bénin. © CHRISTOPHE PETIT TESSON/EPA/MAXPPP

Ces trois statues royales du Dahomey (XVIIIe siècle), exposées au musée du Quai-Branly, à Paris, font partiedes Suvres qui doivent être restituées au Bénin. © CHRISTOPHE PETIT TESSON/EPA/MAXPPP

Fiacre Vidjingninou

Publié le 27 février 2020 Lecture : 3 minutes.

Premier pays africain à avoir demandé à la France, en 2016, de lui restituer son patrimoine, le Bénin attend que vingt-six œuvres lui soient remises par le Musée du Quai-Branly. Une « restitution sans délai de vingt-six objets » annoncée par le chef de l’État français, Emmanuel Macron, lors de son voyage à Ouagadougou, au Burkina Faso, en novembre 2017.

Mais le processus de transfert de propriété marque le pas, loin des envolées optimistes de départ. Le terme de « restitution » est de moins en moins utilisé. Le programme commun de travail entre le Bénin et la France, signé en décembre 2019, porte plutôt sur la « circulation d’œuvres d’art, notamment sous forme de prêts et d’expositions ».

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En recevant, le 23 novembre 2018, le rapport qu’il avait commandé sur la restitution du patrimoine culturel africain à Bénédicte Savoy et à Felwine Sarr – lequel a recensé 90 000 œuvres d’art et objets d’origine africaine exposés ou entreposés dans des musées français –, Emmanuel Macron avait déjà donné le ton, souhaitant que l’on dépasse le principe des restitutions pour considérer toutes les formes possibles de circulation des œuvres (expositions, échanges, prêts, dépôts, etc.).

Les musées français sont favorables à cette « circulation » des œuvres et objets plutôt qu’à leur « restitution », sauf dans le cas où ils proviennent d’un « pillage flagrant »… Ce qui est le cas des vingt-six pièces que le Musée du Quai-Branly s’est engagé à restituer au Bénin – parmi lesquelles des portes sacrées du palais d’Abomey, des totems et des sceptres –, pillées en 1892 par le général français Alfred Dodds dans le palais du roi Béhanzin après de sanglants combats.

Une vitrine pour le tourisme

Toutefois, alors que le ministre français de la Culture, Franck Riester, annonçait le 4 juillet 2019 un retour « rapide » de ces objets, sans même attendre l’inscription de la restitution dans la loi, les autorités béninoises ont immédiatement tenu à temporiser. « Notre réponse, c’est “patience, gardez-les encore un petit peu, le temps que nous soyons vraiment prêts” », a en effet déclaré José Pliya, le directeur de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et du tourisme (ANPT).

Le tourisme est l’un des principaux volets de développement économique, et, afin d’accueillir les œuvres dans des conditions optimales, le pays tient à ce que le chantier du nouveau musée, qui a démarré à la fin de 2019 dans l’enceinte des palais royaux d’Abomey, soit achevé (a priori pour la fin de 2021). Consacré à l’épopée des amazones et des rois du Dahomey (sur 3 000 m², dont 600 pour la salle d’exposition), il sera une première dans la sous-région et une véritable vitrine pour le pays.

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Bien que la France attende encore l’adoption de la loi relative à l’encadrement de ces restitutions, Franck Riester a rappelé lors de sa visite à Cotonou, le 16 décembre 2019, que l’opération pourrait intervenir « dans le courant de l’année 2020, peut-être au début de l’année 2021 ». Le même jour, tout en saluant cet engagement, le ministre béninois du Tourisme, de la Culture et des Arts, Jean-Michel Abimbola, a demandé l’« ouverture d’une discussion élargie » en ce qui concerne certaines œuvres.

Des restitutions plus rapide dans le privé

À l’instar de la France, le Bénin a commencé à toiletter ses textes législatifs et réglementaires. Le 27 janvier, les députés ont adopté un projet de loi portant sur l’autorisation d’adhésion du Bénin à la convention internationale Unidroit, qui, depuis 1995, réglemente les questions relatives aux biens culturels volés ou illicitement exportés. Au ministère béninois de la Culture, on considère que cette adhésion est une « avancée majeure » pour le pays. Non sans laisser poindre quelques notes d’irritation concernant, par exemple, le caractère étrangement unilatéral de l’établissement, par la seule partie française, de la liste des vingt-six œuvres à restituer au Bénin.

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En attendant les restitutions majeures et « officielles », quelques collectionneurs privés français sont passés à l’action. Ainsi, le 17 janvier, le Collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés a donné vingt-huit pièces (quelques sabres et, principalement, des récades, sceptres symbolisant le pouvoir et l’autorité des souverains du royaume du Danhomè) au Petit Musée de la Récade, ouvert en décembre 2015 au sein du Centre art et cultures de Godomey, à Abomey-Calavi (en périphérie de Cotonou)… dont le propriétaire est lui-même un collectionneur privé français.

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