Au Sénégal, l’omniprésence des grandes entreprises françaises nourrit le sentiment anticolonialiste

Au Pays de la teranga, ce sont les grands groupes hexagonaux, accusés de néocolonialisme, qui cristallisent le ressentiment. Enquête sur les nouveaux chantres de la souveraineté.

Graffiti sur un mur de Dakar, le 5 mars. © Clément Tardif pour JA

Graffiti sur un mur de Dakar, le 5 mars. © Clément Tardif pour JA

MANON-LAPLACE_2024

Publié le 11 mars 2020 Lecture : 7 minutes.

À Dakar, le ras-le-bol s’affiche sur les murs. Près des magasins Auchan, Super U et Décathlon, le long de la route de l’aéroport qui traverse la commune de Yoff, un graffiti attire l’attention. Trois individus, tunique blanche, capirote du Ku Klux Klan sur la tête, portent les drapeaux des États-Unis, de l’Union européenne et de la France. Derrière eux, un homme noir, le visage masqué d’un drapeau du Sénégal, est pendu à une potence estampillée « franc CFA ». Le slogan est sans équivoque : « France dégage ! »

On connaît le vent contestataire qui souffle en Afrique de l’Ouest à l’encontre de l’Hexagone, dont l’intervention militaire dans le Sahel est très critiquée. Au Mali, les mobilisations anti-Barkhane se multiplient. Même amertume chez le voisin burkinabè, qui essuie régulièrement de lourdes pertes civiles et militaires. Mais au Sénégal, le mécontentement est d’une autre nature.

« Lutte contre le néocolonialisme »

Il y a d’abord le franc CFA, vieux sujet de contestation dans les quatorze pays du continent où il circule encore. À Dakar, le débat est porté par l’activiste Guy Marius Sagna et son mouvement « Non aux APE [accords de partenariat économique], non au franc CFA », rebaptisé Front pour la révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp) en 2018. Il gagne en vigueur en août 2017, lorsque l’activiste franco-béninois Kemi Seba brûle publiquement un billet de 5 000 F CFA.

« La contestation n’est pas née à cette époque, mais le débat sur le franc CFA, très complexe, a été démocratisé. Il est sorti du milieu universitaire pour gagner la société civile », décrypte Alioune Sall, directeur exécutif de l’Institut des futurs africains.

Sans souveraineté économique et monétaire, le Sénégal ne peut pas se développer

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