Les questions environnementales et coloniales au cœur d’un ouvrage de Malcom Ferdinand

Dans un essai particulièrement dense, le philosophe Malcom Ferdinand développe une réflexion originale autour de l’« écologie décoloniale ».

Un migrant haïtien marche parmi les ruines d’un quartier détruit par l’ouragan Dorian à Sandbank, Abaco, aux Bahamas, samedi 28 septembre 2019 © Espinosa/AP/SIPA

Un migrant haïtien marche parmi les ruines d’un quartier détruit par l’ouragan Dorian à Sandbank, Abaco, aux Bahamas, samedi 28 septembre 2019 © Espinosa/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 17 mars 2020 Lecture : 2 minutes.

Malcom Ferdinand commence son livre Une écologie décoloniale sur un constat : dans les universités, les questions environnementales et coloniales, deux sujets en vogue, ne dialoguent pas.

« Penser l’écologie depuis le monde caribéen », sous-titre de l’ouvrage de ce docteur en philosophie, entend démontrer que la crise écologique a pourtant beaucoup à voir avec les systèmes de domination du Nord sur le Sud.

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Ainsi la Caraïbe est, selon lui, « l’œil de la tempête » : « Si elle contribue peu au réchauffement climatique, celui-ci a pour conséquence d’accroître l’intensité des cyclones qui frappent la région. » L’exploitation du territoire y aggrave la situation : « L’érosion causée par la déforestation […] accroît le volume des inondations et les dégâts causés par chaque cyclone. »

Des échanges écologiques inégaux

Tout du long, l’auteur file une métaphore : celle du navire négrier pris dans la tempête comme image du monde face à la crise écologique. Si tous les humains sont à bord du même bateau, certains sont dans les cales, voire jetés par-dessus bord par ceux qui s’arrogent les moyens de la survie.

Si l’ouvrage est dense, il ouvre la réflexion sur un fait rarement traité : la colonisation a été caractérisée par des « échanges écologiques inégaux ». Les nations impériales ont externalisé les charges environnementales de leur enrichissement.

L’impérialisme est le pyromane de nos forêts et de nos savanes

Ainsi, dès les premières plantations, ces nations ont exploité les nutriments des sols caribéens, amoindrissant leur fertilité. L’histoire résonne avec l’actualité, et l’auteur revient sur une affaire qui occupe encore les tribunaux : l’utilisation d’un pesticide cancérigène, le chlordécone, dans les bananeraies antillaises jusque dans les années 1990.

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Penseurs africains

Ferdinand propose de redécouvrir certaines pratiques écologiques : « Dans les Antilles françaises, la communauté de destin des forêts et des marrons fut telle qu’il est possible de suivre le développement du marronnage selon l’évolution de la couverture forestière des îles. […] L’écologie des marrons se remarque à leur attitude défensive à l’encontre des autorités qui souhaitaient défricher… »

Cette invitation à repenser la séparation entre les mondes humain et non humain résonne avec les propos de penseurs africains, tel Achille Mbembe, qui se souviennent de traditions précoloniales où l’homme entretenait avec les autres espèces des rapports très différents de ceux imposés par la modernité capitaliste.

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L’auteur revendique cette proximité avec le monde intellectuel africain. Comme la Caraïbe, l’Afrique a été intégrée dans un écosystème dicté par le Nord.

L’industrie nucléaire française s’est ainsi bâtie sur l’exploitation des mines au Gabon, à Madagascar et au Niger, et sur les essais effectués en Algérie. Thomas Sankara le disait ainsi : « L’impérialisme est le pyromane de nos forêts et de nos savanes. »

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