Au Kenya, le coronavirus a déjà fait fuir les touristes
Si, pour l’instant, le virus épargne relativement le pays, ses effets sur l’économie se sont rapidement fait sentir. Le secteur touristique ne cache pas son inquiétude.
Les économies africaines face au coronavirus
Pétroliers d’Afrique centrale, entrepreneurs marocains, miniers congolais… Jeune Afrique a enquêté dans plusieurs pays pour comprendre comment la crise impacte déjà les économies du continent.
Si le pays n’a officiellement détecté son premier cas de contamination au Covid-19 que le 13 mars, les réservations de vols à destination du Kenya avaient déjà baissé de 6 % en février et de 30 % au 11 mars, par rapport aux mêmes périodes en 2019, selon l’association nationale des agences de voyages (Kata). Avec des conséquences immédiates sur les autres maillons de la chaîne, souligne Agnès Mucuha, sa directrice générale : « La majorité des réservations dans les hôtels est liée à l’activité des compagnies aériennes. C’est une perte directe. »
Les conséquences économiques du coronavirus ont commencé à apparaître dès que l’épidémie a pris des proportions importantes en Chine. Logique : les deux pays entretiennent des relations étroites en matière de commerce, d’investissements, de construction d’infrastructures notamment. En 2018, les Chinois représentaient 4 % des touristes venant visiter le pays – après les Américains (11 %), les Britanniques (9 %) et les Indiens (6 %). Tous les vols directs en provenance de Chine ayant été suspendus, l’impact a été ressenti très rapidement.
Tout le secteur touristique affecté
Depuis, les annulations de séjours se multiplient, en particulier les voyages de groupes venus de Chine. Et, comme le souligne Jay, dont la société, Epic Africa Adventures, organise des safaris en Afrique de l’Est et en Afrique australe, « il est presque impossible d’obtenir de nouvelles réservations actuellement ». L’inquiétude est surtout palpable au sein des sites touristiques de la côte : au Seven Islands Resort de Watamu, un groupe de 160 personnes a repoussé sa visite. Avec Malindi, classée parmi les vingt meilleures destinations de 2020 par la plateforme Airbnb, Watumu est d’ordinaire plébiscitée par les visiteurs italiens. Mais depuis la fermeture de leurs frontières nationales ils sont bien moins nombreux. On estime que la côte en reçoit soixante de moins chaque jour.
Beaucoup de nos clients sont américains et arrivent sur notre sol en ayant transité par l’Europe
Et c’est toute la chaîne d’approvisionnement du secteur touristique qui souffre. Selon Shazmin Manji, directrice des ventes pour l’entreprise Twiga Tours, la chute des ventes de billets d’avion en mars représente un manque à gagner de 20 à 30 millions de dollars. Et la situation risque d’empirer avec la décision des États-Unis, le 11 mars, d’interdire l’entrée à tous ceux qui ont séjourné sur le Vieux Continent durant les quatorze jours précédant leur arrivée. « Beaucoup de nos clients sont américains et arrivent sur notre sol en ayant transité par l’Europe. Nous attendons de savoir comment ça va affecter les plans de voyage dans les prochaines semaines », confie Shazmin Manji.
S’il est trop tôt pour mesurer l’impact de la pandémie, le pays est particulièrement fragile face à ce genre d’événements en tant que troisième plus importante économie touristique d’Afrique subsaharienne (derrière l’Afrique du Sud et le Nigeria). En 2018, le secteur employait 1,1 million de personnes et le pays accueillait plus de 1 million de visiteurs étrangers chaque année, qui y dépensaient en moyenne 1,37 milliard d’euros. Une somme qui s’ajoutait aux 6,89 milliards d’euros que le tourisme et le voyage injectaient dans l’économie nationale, selon le World Travel & Tourism Council. Au total, ils représentaient alors 8,8 % du PIB du pays.
Une post-crise plus longue à prévoir
Quelle proportion de ces revenus disparaîtra avec la crise actuelle ? L’heure reste aux hypothèses, mais, au niveau international, l’Organisation mondiale du tourisme envisage une baisse des arrivées de 1 % à 3 % par rapport à 2019 et un manque à gagner d’environ 30 à 50 milliards de dollars. Des estimations à considérer avec prudence, mais qui amènent les professionnels à s’interroger sur la période postpandémie. Traditionnellement, le secteur du tourisme est plutôt résilient, et on observe un rebond rapide après les crises. Mais Shazmin Manji n’est pas très optimiste : « Il y aura un impact à long terme. Si les gens craignent pour leur emploi, si les entreprises perdent de l’argent ou si les revenus des ventes sont bas, ça changera les priorités. »
Les autorités kényanes ont déjà commencé à évoquer le sujet de l’après-pandémie. Le 11 mars, une première réunion consultative organisée par le ministère du Tourisme et de la Vie sauvage s’est tenue avec les professionnels. Najib Balala, le secrétaire de cabinet du ministre, leur a affirmé que 3 millions de dollars seraient consacrés au redressement du tourisme et que le comité de crise du ministère recevrait 2 millions de dollars pour soutenir l’image du pays à l’étranger.
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