Peut-on sortir de la crise du coronavirus à coups de milliards ?

L’Afrique s’apprête à subir de plein fouet les répercussions économiques de la pandémie. Si la Banque mondiale et le FMI se disent prêts à mobiliser des centaines de milliards de dollars à l’échelle mondiale, quid des pays les plus fragiles, en particulier ceux dépendant des matières premières ?

Dans une agence Western Union à Paris. © Vincent Fournier/JA

Dans une agence Western Union à Paris. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 25 mars 2020 Lecture : 5 minutes.

Le coronavirus a déjà des conséquences sur l’économie de tout le continent. © Rafael Ricoy pour JA
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Les économies africaines face au coronavirus

Pétroliers d’Afrique centrale, entrepreneurs marocains, miniers congolais… Jeune Afrique a enquêté dans plusieurs pays pour comprendre comment la crise impacte déjà les économies du continent.

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Mi-mars, alors que l’Afrique était encore peu touchée par la pandémie du Covid-19, les analystes prévoyaient déjà une crise économique de grande ampleur, pas seulement en raison de la fermeture de ses activités pour cause de lutte contre le coronavirus, mais, surtout, à cause de l’effondrement de ses exportations provoqué par l’étouffement de la production et des échanges dans le reste du monde. L’Union africaine a calculé que la croissance du continent pourrait reculer, cette année, de +3,2 % prévus à quelque +1,8 %.

Les canaux de transmission de la crise économique sont connus. Il s’agit d’abord des matières premières dont les prix et les quantités exportées sont en baisse spectaculaire. Le second canal est le tourisme classique, qui a stoppé net au Maroc, en Tunisie ou au Kenya, mais aussi le tourisme d’affaires qui pâtit des annulations de congrès et d’expositions à Abidjan, à Kigali comme à Dakar.

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Le troisième est le secteur des envois d’argent des émigrés africains en Europe, au Moyen-Orient ou en Amérique, car la disparition prévisible de 25 millions d’emplois dans le monde, selon le Bureau international du travail, se traduira par des licenciements et des baisses de salaire, et, par conséquent, par une réduction de leurs envois vers l’Afrique.

42 milliards de dollars d’investissements déjà retirés des pays émergents

Le quatrième canal est le secteur des investissements : 42 milliards de dollars ont déjà été retirés des pays émergents depuis le début de l’année, selon l’Institute for International Finance (IFF), les investisseurs étrangers étant contraints de trouver des liquidités en urgence pour faire face à la crise boursière. Tout laisse à penser que cette fuite de capitaux se poursuivra et que le flux des investissements directs à l’étranger (IDE) sera fortement réduit en 2020.

Tous les pays ne seront pas frappés de la même façon. Spécialisé dans la recherche économique et l’évaluation du risque-pays, TAC Economics a bâti un modèle informatique pour évaluer la vulnérabilité de trente pays dans le monde, dont huit africains. Ce modèle prend en compte la capacité des États à soigner les victimes et à contenir une épidémie que TAC pense devoir être moins grave en Afrique subsaharienne, le virus semblant moins agressif dans les régions chaudes et humides. Il prend aussi en compte la fragilité macroéconomique éventuelle de ces États (déficits, endettement, réserves en devise, taux de croissance, inflation, structure de l’économie, etc.).

« Le pays qui cumule le plus de handicaps est l’Iran, déjà asphyxié par l’embargo américain et qui pâtit d’une épidémie sévère au moment où le prix du pétrole est divisé par deux, explique Thierry Apoteker, président de TAC Economics. À l’inverse, le Qatar, l’Arabie saoudite, les pays du Sud-Est asiatique et d’Europe de l’Est bénéficient de systèmes de santé solides. Ils vont subir un choc violent en matière de croissance, mais ils disposent d’une capacité de rebond. Entre les deux, se trouvent des pays qui n’ont ni une bonne infrastructure sanitaire, ni des économies très résistantes, comme l’Égypte, le Nigeria ou le Kenya. Même si le choc qu’ils subiront n’est pas très fort, ils auront du mal à rebondir rapidement. »

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Parmi ces pays menacés, ceux qui dépendent des matières premières seront en première ligne. « Il faut distinguer ceux qui exploitent plusieurs produits de base comme l’Afrique du Sud (charbon, pierres et métaux précieux) ou la Côte d’Ivoire (cacao, anacarde, bois, or) et ceux qui ne dépendent que d’un seul comme le Nigeria, le Congo ou la Zambie. Les premiers seront moins impactés parce que toutes les matières premières ne chutent pas de la même manière », prédit Thierry Apoteker.

Soutenir la consommation

Quelles parades doivent utiliser les gouvernements ? « Les dirigeants devront prendre des mesures d’envergure et ciblées sur les plans budgétaire, monétaire et du marché financier pour aider les ménages et les entreprises touchées », indique dans son blog Gita Gopinath, la directrice des études du FMI. « Ménages et entreprises pourraient bénéficier de transferts monétaires, de subventions salariales et d’allègements d’impôts, ce qui leur permettrait de répondre à leurs besoins et de rester à flot. »

La quasi-totalité des pays africains ne disposent pas des moyens pour soutenir leurs consommateurs ou leurs entreprises

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Gita Gopinath ajoute que « les Banques centrales doivent être prêtes à fournir beaucoup de liquidités aux banques et établissements financiers non bancaires, en particulier à ceux qui prêtent aux petites et moyennes entreprises, peut-être moins préparées à de fortes perturbations. (…) Une relance budgétaire généralisée et proportionnelle à la marge de manœuvre disponible peut stimuler la demande globale ».

Le problème est que « la quasi-totalité des pays africains ne disposent pas des moyens pour soutenir leurs consommateurs ou leurs entreprises. Ils ne s’en sortiront pas sans l’aide des organismes bilatéraux et multilatéraux », déclare Thierry Apoteker.

Si l’on en croit les déclarations des institutions de Bretton Woods, cette aide ne fera pas défaut aux pays en difficulté. La Banque mondiale se tient prête à mettre en place un programme de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Le FMI est en mesure de mobiliser 1 000 milliards de dollars à cette fin. Ces masses financières arriveront-elles en temps et en heure et aux bons endroits ?

La Chine redémarre

Quelques motifs d’espoir pointent à l’horizon. Le premier est que la Chine, premier acheteur mondial de matières premières et point de départ de l’épidémie, a relancé son moteur économique. Aucun nouveau cas domestique de coronavirus n’y a été relevé les 18 et 19 mars. Cette reprise devrait bientôt faire repartir à la hausse plusieurs produits de base tirés du sol africain.

Le second est que les pays développés ont arrêté, pour contrer le virus, des programmes de maintien de la liquidité, de soutien ou de relance qui se chiffrent en centaines de milliards : les efforts de la France (300 milliards d’euros), de la Grande-Bretagne (plus de 300 milliards de livres), de la Réserve fédérale américaine (500 milliards de dollars), de la Banque centrale européenne (750 milliards d’euros), sans parler de la Chine (entre 300 et 500 milliards de dollars) laissent espérer une relance mondiale capable de raccourcir la période de vaches maigres en rétablissant la demande adressée à l’Afrique et en l’aidant à faire redémarrer ses activités dès que le Covid-19 aura été vaincu.

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