Coronavirus : y a-t-il une flambée de la pandémie au Nigeria ?

Depuis quelques semaines déjà, la situation sanitaire du Nigeria, le pays le plus peuplé du continent, inquiète l’OMS. C’est notamment l’État de Kano qui semble en mauvaise posture. Pourtant on recense moins de 1 000 cas dans le pays.

Un technicien mesure la distance entre les lits dans un centre d’isolement des malades du Covid-19, à Kano, Nigeria, le 7 avril. © AMINU ABUBAKAR/AFP

Un technicien mesure la distance entre les lits dans un centre d’isolement des malades du Covid-19, à Kano, Nigeria, le 7 avril. © AMINU ABUBAKAR/AFP

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Publié le 27 avril 2020 Lecture : 4 minutes.

Le 16 avril, lors de sa conférence hebdomadaire, la directrice Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Matshidiso Moeti, se disait préoccupée par l’évolution de la pandémie de Covid-19 au Nigeria. Une semaine plus tard, elle faisait part de son inquiétude concernant « plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ». Entre-temps, le pays le plus peuplé d’Afrique avait vu le nombre de ses malades dépasser les 950 et il enregistrait 31 décès. Mais aussi presque 200 guérisons.

Une densité de population parmi les plus élevées au monde

Si la situation du Nigeria inquiète spécifiquement les instances internationales et les pays voisins, c’est d’abord parce que le pays compte 214 millions d’habitants et trois grandes métropoles – Lagos, Abuja et Kano – dont la densité de population est parmi les plus élevées au monde.

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La mort d’un infirmier de Médecins sans frontières puis celle d’un proche du président Buhari ont été abondamment relayées dans les médias, donnant le sentiment que la maladie était hors de contrôle dans le pays.

Les récentes informations sur l’évacuation de milliers d’enfants des rues de Kano ont aussi provoqué l’affolement tandis que, sur le plan purement médical, beaucoup reprochent aux autorités de ne pas procéder à suffisamment de tests, et donc d’afficher des chiffres sans doute très inférieurs à la réalité.

Rien de tout cela n’est tout à fait faux. Pourtant, les autorités ont réagi assez rapidement à l’arrivée du coronavirus sur leur sol. Le premier cas recensé, le 27 février, était un ressortissant italien venu par avion. Le nombre de cas a augmenté lentement durant le mois de mars et, le 29 de ce mois, des mesures de confinement ont été annoncées dans les grandes villes et dans certains États, ainsi que des restrictions à l’entrée et une suspension des visas pour les citoyens de pays à risques. On comptait alors 97 cas et un seul décès.

Dans un État fédéral, chaque gouverneur peut prendre ses propres initiatives, cela complique les choses

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Parallèlement, une task force réunissant neuf ministres et des spécialistes a été mise sur pied, un centre de réponse nationale a vu le jour et un « plan de riposte » a été élaboré. Un site internet d’information régulièrement mis à jour est apparu, ainsi que des spots télévisés sensibilisant la population. « Mais nous sommes un grand pays et un État fédéral où chaque gouverneur peut prendre ses propres initiatives, cela complique les choses », reconnaît le Dr Sani Aliyu, coordinateur national de la task force présidentielle.

Le secteur privé mis à contribution

Les autorités sollicitent aussi beaucoup le secteur privé : le président lui-même, mettant en avant les conséquences de la chute des cours du pétrole sur les finances publiques, a officiellement appelé les entreprises à contribuer à l’effort national à hauteur de 120 milliards de nairas (331 millions de dollars). Quelques grandes sociétés comme Nigeria National Petroleum Corporation (NNPC) et UBA, mais aussi le milliardaire Aliko Dangote ont répondu à l’appel, mais on est encore loin d’avoir récolté la somme espérée.

Nous préférons avancer un peu moins vite mais faire les choses bien

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La riposte s’organise donc « avec les moyens dont nous disposons », résume le Dr Chikwe Ihekweazu, directeur du CDC Nigeria (la branche nationale du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, rattaché à l’Union africaine), qui n’ignore pas que beaucoup s’interrogent sur le nombre relativement faible de tests réalisés dans cet immense pays. Notamment par rapport à un autre géant, l’Afrique du Sud.

« Je connais bien le système sud-africain, j’ai travaillé là-bas, souligne le médecin. Nous voulons nous en inspirer, mais nous faisons avec ce que nous avons. Nous avons testé 5 000 personnes la semaine dernière, cela augmente vite. Nous avons reconverti des structures habituellement destinées aux cas de HIV et de tuberculose pour tester les patients atteints de Covid. Mais la procédure de test est plus complexe qu’on le croit, il faut six à sept heures pour obtenir les résultats, les bons jours… Donc nous préférons avancer un peu moins vite mais faire les choses bien. On nous compare souvent au Ghana, on nous dit qu’ils testent plus que nous… Je dirais plutôt qu’ils n’ont pas choisi la même méthode. Je respecte leur façon de faire, mais nos approches sont différentes, il faut éviter les comparaisons qui n’ont pas lieu d’être. Notons plutôt que si on observe une hausse du nombre de cas au Nigeria ces derniers jours, c’est en partie parce que nous faisons plus de tests. »

Reste le cas spécifique de l’État septentrional de Kano. La situation y était déjà jugée critique depuis quelques jours, reconnaît le Dr Aliyu : « Nous en suivons l’évolution de près mais ça n’est pas facile car Kano est confinée, ce qui fait que les patients ont du mal à aller à l’hôpital et que l’approvisionnement en denrées alimentaires est difficile. »

Autre problème : le seul laboratoire capable de tester les cas de coronavirus dans l’État est actuellement fermé à la suite de contaminations parmi le personnel. La désinfection est en cours mais pourrait prendre trois ou quatre jours et, en attendant, difficile de mesurer la propagation du virus.

À Kano, 250 000 enfants des rues

L’évacuation de plus de 1 500 enfants qui étaient censés étudier dans les écoles coraniques de Kano, mais qui, apparemment, étaient abandonnés à eux-mêmes et se livraient à la mendicité pour survivre, a contribué à accentuer l’inquiétude. D’autant que, selon le gouverneur, la ville de Kano, qui compte 4 millions d’habitants, recense 250 000 enfants des rues ayant vocation à être envoyés dans les États voisins dont ils seraient originaires.

En visite dans la ville le 22 avril, le Dr Ihekweazu a recueilli les doléances du gouverneur, Abdullahi Ganduje, qui a déploré la pénurie générale d’équipements médicaux, même les plus basiques. L’État a officiellement demandé un soutien financier au gouvernement fédéral, mais rien ne dit qu’il l’obtiendra rapidement.

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