Harouna Kaboré : « Le Faso Dan Fani, ce n’est pas que de la cotonnade ! »
Partenariat avec le turc Ayka textile, labellisation du Faso Dan Fani, fraudes… Le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat fait le point sur la situation du textile burkinabè.
Le Burkina à l’heure de la mobilisation générale
S’il maintient un haut niveau de vigilance face à la pandémie, mais aussi contre le terrorisme, le pays tout entier se concentre désormais sur la relance de l’activité économique et la préparation de la présidentielle et des législatives du 22 novembre.
Même si l’or blanc reste son deuxième produit d’exportation et représente encore 4 % de son PIB, le Burkina a perdu sa place de premier producteur africain de coton et n’occupe plus que le quatrième rang à l’issue de la campagne 2018-2019, derrière le Bénin, le Mali et la Côte d’Ivoire.
Outre les actions entreprises en amont pour remotiver les cotonculteurs, le gouvernement mise aussi sur l’aval de la filière. D’un côté, il mobilise les investissements pour accélérer l’industrialisation et, de l’autre, il valorise et protège la production textile artisanale locale, en particulier le Faso Dan Fani, le « pagne tissé de la patrie ». Et cette stratégie est en train de gagner d’autres secteurs agro-industriels.
Jeune Afrique : Où en est l’industrialisation de la filière coton, notamment dans le cadre du projet A Star Textile, fruit d’un partenariat entre l’État burkinabè et le groupe turc Ayka Textile ?
Harouna Kaboré : Le projet a atteint une maturité technique, juridique et financière suffisante. Nous sommes aujourd’hui dans la phase de mobilisation des fonds nécessaires au démarrage, cette année, des travaux de construction des trois unités industrielles prévues à Ouagadougou, à Koudougou et à Bobo-Dioulasso. Ce projet, d’un coût d’environ 200 milliards de F CFA (près de 305 millions d’euros), suscite l’intérêt de nombreux investisseurs, parmi lesquels Afreximbank et la Banque africaine de développement (BAD).
Il va permettre de créer plus de 12 000 emplois directs. Au-delà de cette initiative, nous préparons avec des partenaires stratégiques l’implantation d’une filature et d’un parc industriel textile dans la région des Hauts-Bassins. En parallèle, grâce à l’installation d’une deuxième usine, l’unique filature du pays, Filsah (Filature du Sahel), va doubler ses capacités pour les porter à environ 10 000 tonnes par an.
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Vous avez engagé en 2019 un processus de labellisation du Faso Dan Fani. Pourquoi ?
Le Faso Dan Fani n’est pas que de la cotonnade ! C’est un produit stratégique dont nous évaluons le potentiel de revenus annuels à plus de 50 milliards de F CFA. C’est un secteur artisanal pourvoyeur d’emplois et de revenus pour des millions de jeunes et de femmes qui participent à la transformation de notre coton dans l’habillement. Derrière ce pagne, il y a toute une économie. Nous nous sommes aperçus que la contrefaçon prenait de l’ampleur, et nous avons voulu recadrer cela en élaborant un cahier des charges, en organisant les artisans et, surtout, en nous entendant sur ce qui doit être considéré comme un pagne tissé burkinabè.
Sur cette base, nous avons décidé de protéger le Faso Dan Fani comme une marque collective en élaborant un catalogue de 400 motifs créés par les tisseuses de toutes les régions du pays, et qui a été enregistré auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi). Désormais, l’appellation Faso Dan Fani ainsi que les motifs sont protégés. Il n’est donc plus possible de les utiliser sur des pagnes confectionnés de manière industrielle. Il faut désormais obtenir un agrément pour produire du Faso Dan Fani labellisé et estampillé « made in Burkina ».
Dans d’autres filières, certains groupes nationaux se sont dits menacés par la fraude. Que faire ?
En effet, à cause de la fraude, nos industriels rencontrent des difficultés à écouler leurs marchandises, ce qui a engendré une crise chez l’unique sucrier national, SN Sosuco, ainsi qu’au sein des huileries SN Citec. Afin de les soutenir, nous avons adopté des mesures conjoncturelles qui reposent sur l’intensification de la surveillance du marché et sur les contrôles des prix. Nous avons par exemple signé un protocole d’accord avec les distributeurs, ce qui a permis d’absorber les stocks d’invendus de SN Sosuco et de SN Citec.
Comment mobiliser les investissements industriels malgré le contexte sécuritaire ?
Nous avons fait évoluer nos instruments de promotion pour mieux accompagner et rassurer les investisseurs privés étrangers avec, entre autres, la création en 2018 de l’Agence burkinabè des investissements (ABI), l’adoption d’une stratégie nationale d’industrialisation et l’instauration d’un nouveau code des investissements qui encourage l’installation d’unités agroalimentaires.
Pour accompagner ce mouvement, nous avons octroyé en 2019 plus de 34 milliards de F CFA de financements aux PME grâce à une convention avec les banques. Nous avons par ailleurs investi 7 milliards de F CFA dans l’installation d’une usine, dans la zone industrielle de Kossodo, qui sera une référence dans la sous-région en matière de transformation des produits agricoles et de formation pratique.
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