Tunisie : Mohamed Abbou, le « Monsieur Propre » du gouvernement Fakhfakh

Le ministre tunisien de la Fonction publique Mohamed Abbou veut non seulement en finir avec la corruption, mais aussi taxer davantage les riches. De quoi créer la panique dans les milieux d’affaires.

Mohamed Abbou, ministre de la Fonction publique et de la lutte anti-corruption, à Tunis, Dar Dhiafa Palace, le 28 février 2020. © Hichem

Mohamed Abbou, ministre de la Fonction publique et de la lutte anti-corruption, à Tunis, Dar Dhiafa Palace, le 28 février 2020. © Hichem

Publié le 3 juin 2020 Lecture : 6 minutes.

Depuis sa nomination, Mohamed Abbou est le souffre-douleur préféré de la Coalition Al Karama. Sous la coupole du Bardo, le 28 avril, Abdellatif Aloui, député du groupe ultraconservateur, multiplie les harangues fielleuses à l’encontre du ministre d’État auprès du chef du gouvernement chargé de la fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, l’accusant de fermer les yeux sur les nominations de complaisance dans l’administration et d’avoir la main qui tremble lorsqu’il s’agit de sévir. Quinze jours plus tard, le même s’en prend à l’épouse du ministre, elle-même membre de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). « Pourquoi a-t-elle arrêté ses attaques contre la corruption depuis la nomination de son mari ? » ironise Aloui.

Révolutionnaire indigné

Chaque fois, Mohamed Abbou est resté de marbre. Le quinquagénaire en a vu d’autres. Avocat et défenseur des droits de l’homme, ce farouche opposant au régime de Ben Ali avait été arrêté en 2005. Incarcéré, il s’était agrafé la bouche pour protester contre la dictature qui tentait de le museler. Abbou ne devra sa libération, deux ans plus tard, qu’à la mobilisation de l’opinion internationale et à l’intervention de Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, et de Nicolas Sarkozy, président français. Ce passé proche en bandoulière, l’homme s’est depuis engagé en politique, avec comme marque de fabrique la lutte contre la corruption. Candidat à la présidentielle de 2019, il martelait que la corruption s’était « généralisée depuis 2011 ».

Incarcéré en 2005, il s’était agrafé la bouche pour protester contre la dictature qui tentait de le museler

Abbou est un révolutionnaire indigné. Élu en 2011 député à la Constituante, le cofondateur du Congrès pour la République (CPR) – aux côtés notamment de Moncef Marzouki – est nommé l’année suivante ministre de la Réforme administrative au sein du gouvernement de la troïka, la coalition formée par Ennahdha, le CPR et Ettakatol. Bouillonnant, présent sur tous les fronts, Abbou prend la lumière et finit par agacer le chef du gouvernement. « On aurait dit qu’il voulait prendre ma place », s’agacera Hamadi Jebali quelques années plus tard. Les relations tournent au vinaigre, Abbou claque la porte du gouvernement et du CPR pour fonder son propre mouvement, le Courant démocrate (Attayar, en arabe), qui voit le jour le 30 mai 2013.

Bien s’informer, mieux décider

Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles

Image
Découvrez nos abonnements
la suite après cette publicité