Tunisair abandonnée par l’Etat ?
Tunisair, la compagnie aérienne nationale de la Tunisie, largement déficitaire, attend toujours la mise en place complète du plan de redressement annoncé il y a un an, pour sortir la tête de l’eau. Sa direction sonne l’alarme.
Après une année 2012 critique (marquée par une perte de 126 millions de dinars, environ 75 millions de dollars), la fin de l’année 2013 ne s’annonce guère mieux pour Tunisair : le résultat net demeure négatif et le déficit dépasse 100 millions de dinars (60 millions de dollars). Les chiffres, connus, ont été confirmés par la compagnie lors d’une conférence de presse organisée le lundi 02 décembre 2013 pour tordre le cou aux rumeurs de faillite, mais aussi pour alerter sur l’urgence de la situation.
Départs et augmentation de capital
Pour redresser la tête, la compagnie aérienne a échafaudé un plan de redressement il y a un an qui prévoit notamment 1700 départs et une augmentation de capital. « L’ensemble de ce plan aurait dû être appliqué dès 2013 », estime pour sa part Rabah Jerad, PDG de Tunisair, qui pointe du doigt l’attentisme de l’État, actionnaire majoritaire avec 74% du capital de la compagnie aérienne. Les mesures appliquées concernent essentiellement la stratégie commerciale (réduction du plan de flotte) et elles ont permis d’économiser 420 millions de dollars. Mais c’est loin d’être suffisant.
D’autres mesures prévoient la prise en charge par l’État de la dette encourue par la compagnie auprès de l’Office de l’aviation civile et des aéroports (OACA), soit une ardoise de 186 millions de dinars (environ 110 millions de dollars). « Nous avons arraché cette décision du gouvernement, elle ne s’est pas concrétisée, mais il n’est pas question de revenir dessus », assure Rabah Jerad.
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Côté syndicat, le ton se veut aussi ferme face aux autorités de tutelle, accusées d’immobilisme. Direction et syndicats semblent d’accord sur la majorité des points du plan de départ.
« L’État n’avance pas ! Il y a eu recul sur certains aspects du plan financier et le plan social que nous approuvons doit être discuté. Si l’on ne veut pas que l’on parle de ‘complot’ contre Tunisair, il va falloir prendre des mesures concrètes », estime Karim Elloumi, membre du syndicat des pilotes.
Effectif pléthorique
Après la révolution, Tunisair a procédé à l’embauche de 2 000 personnes, portant l’ensemble de la masse salariale à 8 000 personnes, un effectif pléthorique. Par comparaison, Royal Air Maroc a ramené son personnel de 5 600 à 3 900 agents en 2012 dans le cadre d’un plan de redressement financier. Tunisair demande à l’État de prendre en charge les indemnisations du personnel licencié, la facture s’élèverait à 52 millions de dinars (31 millions de dollars).
Autre aspect du plan qui doit être approuvé par les autorités de tutelle : le changement des statuts. « Tunisair souhaite bénéficier du schéma appliqué à Tunisie Télécom, qui permettrait une plus grande souplesse d’exploitation », commente Rabah Jerad. Enfin, le dossier de l’augmentation du capital de Tunisair, évoqué il y a un an déjà, n’a que très peu évolué. Le capital de la compagnie devrait passer de 106 à 180 millions de dinars (environ 107 millions de dollars). Deux options restent ouvertes : l’introduction en bourse (où 15% du capital est déjà placé) ou un accord avec un partenaire stratégique. C’est cette dernière possibilité qui est privilégiée, à condition que l’État reste l’actionnaire majoritaire.
Convaincre un partenaire, même avec 40% de part de marché, risque néanmoins d’être difficile si le plan de redressement n’est pas mis en œuvre. Les projections chiffrées montrent un déficit persistant dans les cinq prochaines années, à moins que des mesures décisives soient adoptées. « Le ministre du Transport nous a promis son soutien, nous attendons de voir l’engagement de l’État, même si n’obtenons pas gain de cause sur tout » explique le PDG de Tunisair. Le dernier comité interministériel consacré à Tunisair aurait dû avoir lieu le 14 novembre dernier. Il a été reporté sine die … « Il faut qu’il ait lieu le plus tôt possible », prévient Rabah Jerad.
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