Gari : jeune fonds, 20 ans, cherche repreneur

Le Fonds Gari, structure de garantie des crédits, doit faire face au départ de ses actionnaires historiques, qui cèdent 80,56 % du capital. Avis aux repreneurs potentiels : les amateurs sont priés de s’abstenir.

La Banque ouest-africaine de développement reste, quant à elle, dans le capital du Fonds Gari. © Glez

La Banque ouest-africaine de développement reste, quant à elle, dans le capital du Fonds Gari. © Glez

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 18 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

À 20 ans, le Fonds de garantie des investissements en Afrique de l’Ouest (Fonds Gari) coupe le cordon ombilical. L’Agence française de développement (AFD), son équivalent allemand DEG, le Secrétariat d’État à l’économie de la Suisse (Seco) et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont décidé de céder leurs parts dans ce qui constitue l’une des très rares success-stories de l’histoire africaine des structures accordant des garanties dans le cadre d’opérations de prêt. Depuis le 23 février, ce sont donc 80,56 % du capital du Fonds Gari qui cherchent preneur.

Le candidat idéal ? Un « partenaire stratégique » possédant « au moins 30 milliards de F CFA [plus de 45 millions d’euros] de fonds propres consolidés, des compétences opérationnelles pour assurer le développement » ainsi qu’une « vision stratégique à long terme similaire à celle des actionnaires cédants », selon l’appel à manifestation d’intérêt publié par le fonds.

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Le candidat idéal ? Un « partenaire stratégique » possédant « au moins 45 millions d’euros de fonds propres consolidés »

Bref, un oiseau tellement rare qu’au moment où nous mettions sous presse seuls trois prétendants sérieux s’étaient manifestés, selon une source proche du dossier. À partir de la semaine du 7 avril, ces candidats ont accès à tous les détails financiers et opérationnels de la structure, dont les bureaux sont sis à Lomé, dans l’immeuble de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), le seul des actionnaires institutionnels à conserver ses parts (12%).

Ailes

« Il était prévu dès l’origine que les quatre actionnaires étrangers se retireraient une fois que le fonds aurait fait ses preuves », explique Philippe Collignon, directeur de l’AFD au Togo et administrateur du Fonds Gari : « Depuis 2011, nous réfléchissions sérieusement à ce processus de cession. L’objectif est d’africaniser un fonds qui a atteint l’âge adulte et de voir comment il peut voler de ses propres ailes. » A priori, le fonds part sur de bonnes bases : réputé bien géré, notamment grâce à la vigilance des bailleurs, il n’a cessé d’accroître ses interventions au fil des ans. Les garanties accordées sont passées de moins de 5 milliards de F CFA au début des années 2000 à 13,7 milliards en 2008, « pour atteindre 37 milliards en 2013, précise Tombodo Ywassa, responsable du contrôle interne. Et les encours totaux ont atteint 85 milliards en fin d’année. »

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Points positifs

Autre point positif pour une structure censée travailler sur les quinze pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) : la montée en force sur la zone anglophone – même si les pays francophones, Côte d’Ivoire en tête, recèlent trois quarts des encours. Le Ghana représente environ 15% du portefeuille, le double d’il y a dix ans. Et sur les six employés de la structure, un chargé d’affaires se consacre totalement à la zone anglophone.

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Autre nouveauté : depuis deux ans, le Fonds Gari propose aux banques de garantir l’ensemble d’un portefeuille de prêts, alors qu’il n’accordait jusqu’à présent que des garanties ligne de crédit par ligne de crédit.

Selon les informations de Jeune Afrique, la valorisation tournerait autour de 25 millions d’euros.

Le Fonds Gari étant un cas unique ou presque en Afrique et le financement des PME étant à la mode, les candidatures devraient affluer pour reprendre les parts en vente. Selon nos informations, la valorisation tournerait autour de 25 millions d’euros.

Le dossier a été présenté à de nombreux investisseurs par les conseils de l’opération, mais, interrogés par Jeune Afrique, trois financiers ont confié y avoir à peine jeté un oeil. « Ce métier relève davantage d’un actionnariat institutionnel que d’un fonds d’investissement purement privé », estime l’un d’eux.

Un consortium de banques pourrait être intéressé, voire des assureurs, qui pourraient y voir un complément d’activité ou un placement. Mais avec des commissions de 1% à 1,5% par an, ce n’est pas aussi rentable.

Grain

Les candidats les plus sérieux devraient donc être des bailleurs de fonds, conscients du rôle économique et social fondamental d’une structure comme le Fonds Gari.

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Créé par la Banque africaine de développement (BAD), l’African Guarantee Fund (AGF) a fait acte de candidature et aurait le profil idéal… à un détail près : « L’AGF est bien plus jeune que le Fonds Gari, qui a beaucoup plus d’expérience du métier », lâche un connaisseur. Les cédants, eux, veillent au grain : pas question qu’une des rares structures africaines facilitant l’octroi de crédits aux PME soit dépecée ou déviée de sa mission d’origine.

À Lomé, on espère en tout cas que le nouvel actionnaire de référence saura relancer la machine, en injectant de l’argent et en favorisant l’innovation en termes de produits. « Il nous faut des moyens pour développer l’activité, insiste Tombodo Ywassa. Vingt-cinq milliards de F CFA de fonds propres, c’est trop peu pour intervenir dans un pays comme le Nigeria. Tous les projets qu’on nous y propose sont bien supérieurs à nos capacités. » Le marché est là, les compétences aussi. Reste à trouver le « partenaire » dont le Fonds Gari a besoin. Réponse au plus tard en juin.

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