Pétitions en ligne : quand des clics changent l’Afrique
Vous en trouverez sur tous les sujets. Dans tous les pays. Les pétitions en ligne sont devenues monnaie courante. Et ce vent de démocratie online et d’activisme numérique n’a pas épargné l’Afrique, notamment au Nigeria où l’élan pour retrouver les lycéennes enlevées par Boko Haram ne faiblit pas.
Qu’il est loin le temps de la pétition sur papier, brandie au détour d’une rue, à la sortie d’un magasin, et signée à la va-vite. Désormais, tout se joue sur Internet, avec une puissance logiquement décuplée. Dernier exemple en date : la pétition mise en ligne sur la plateforme Change.org pour réclamer la libération des lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigeria.
En moins d’un mois, celle-ci a atteint le million de signataires. Et sa popularité est telle qu’il ne serait guère étonnant de la voir se rapprocher encore davantage de ce qui reste une référence en la matière, avec 2,5 millions de soutiens, la pétition appelant au jugement de l’assassin de Trayvon Martin.
"Internet est juste devenu l’endroit où le changement se produit."
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"Internet est juste devenu l’endroit où le changement se produit. Vous pensez local, vous agissez local. Vous pensez national, vous agissez national. Vous pensez global, vous agissez global", explique Alice Jay, directrice des campagnes chez Avaaz, dans The Guardian. En clair, n’importe qui a aujourd’hui le loisir de s’exprimer et de lancer un mouvement sur n’importe quel sujet.
Chaque mois, Change.org enregistre 20 000 nouvelles pétitions, qui viennent s’ajouter aux 800 000 déjà présentes et qui attirent 3 millions de nouveaux utilisateurs mensuels dans 196 pays. Et le continent africain n’est pas en reste, même s’il n’a pas encore exploité tout son potentiel : quelque 770 000 Africains, en particulier maghrébins et sud-africains, pour Change.org, contre 1,2 million sur Avaaz.
Et le continent africain a également ses succès viraux. En avril 2013, 1,7 millions de personnes ont signé la pétition protestant contre l’éviction des communautés Masaï de Tanzanie, sensiblement le même nombre que pour le mouvement réclamant justice pour Liz, une adolescente kényane violée la même année, en octobre. Autre exemple : la pétition contre le mariage post-viol au Maroc, qui a rassemblé 1,2 millions de soutiens.
"Les sujets des pétitions lancées en Afrique varient beaucoup, mais on retrouve cependant des tendances comme la politique, l’accès aux services de base, l’accès à des services internet, la protection de la vie animale et l’environnement", explique Benjamin des Gachons, directeur des campagnes chez Change.org France. "Nous sommes aussi en train d’investir dans le développement de l’accessibilité de notre site sur smartphones pour répondre aux usages d’Internet sur le continent", ajoute-t-il.
Il n’est pas le seul. Chez Avaaz, le continent africain fait également partie des stratégies. "Nous avons mené des campagnes en swahili et d’autres langues afin d’engager les communautés", raconte Sam Barratt, directeur de campagne. "Nous cherchons à développer des applications mobiles qui pourraient ouvrir de nouvelles possibilités dans des endroits à faible technologie et nous aimerions trouver une solution via les SMS", confie-t-il encore.
Quand les entreprises et les gouvernements s’en mêlent
La liste des victoires, grandes ou petites, s’allongent de jour en jour. "Ce qui est étonnant, c’est que souvent, l’impossible devient possible", s’enthousiasme Sam Barratt. "Personne n’aurait cru que les Masaï conserveraient leur terre en Tanzanie et ils l’ont fait", se souvient-il. Début 2014, la multinationale Orange s’est ainsi engagée, à la suite d’une pétition lancée par l’ONG All Out, à ne plus acheter d’espaces publicitaires aux journaux ougandais coupables de publications homophobes.
Il faut dire que les entreprises et les gouvernements commencent à prendre la mesure du phénomène. Aux États-Unis, la Maison Blanche a instauré un système selon lequel elle s’engage à examiner toute pétition dépassant les 100 000 signatures, tout comme le fait, au Royaume-Uni, le comité qui gère les travaux parlementaires de la Chambre des Communes.
Les pouvoirs africains auront-ils le courage de se confronter aux souhaits de leur population décomplexée ? Rien n’est moins sûr. Pour le moment.