La musique en ligne s’africanise
Deezer, The Kleek, Simfy, TruSpot… Lancés par des géants ou des start-up, les sites d’écoute en streaming tentent de s’imposer en Afrique. Leur modèle économique, lui, reste à trouver.
La rumeur enfle. Apple serait sur le point de lancer un service de musique en continu (streaming). La firme reste pourtant le chantre du téléchargement, avec son catalogue en ligne iTunes. Mais les usages évoluent et le streaming gagne en audience. Selon l’industrie musicale, ce type d’offres représentait en 2012 un marché de 878 millions d’euros (+ 43 % sur un an). Dans le monde, 20 millions d’utilisateurs posséderaient déjà un abonnement payant.
Longtemps quasi absente du débat, l’Afrique voit les initiatives se multiplier depuis un an et demi. En juin 2012, le français Deezer (3 millions d’abonnés) a ouvert son service en Côte d’Ivoire et à l’île Maurice, avant de l’élargir à l’ensemble du continent en début d’année. Puis, en mars, la maison de disques Universal a annoncé la création d’une plateforme panafricaine nommée The Kleek. Comme Deezer, elle entend mettre en avant les artistes du continent pour enrichir son offre, jugée un peu légère lors du lancement : elle a par exemple signé des accords avec le groupe de kuduro angolais Power Boyz et la jeune pousse du R&B nigérian W4. D’après le cabinet Informa Telecoms & Media, les musiciens locaux seraient incontournables, représentant 70 % de la demande.
Payant ou gratuit ?
Hors du cercle fermé des grandes multinationales, plusieurs start-up comme l’allemande Simfy, la finlandaise Spinlet et les nigérianes TruSpot – pionnière en 2006 – et iRoking tentent de s’imposer. Lancée en 2011, cette dernière a même réussi à lever 6 millions d’euros auprès de la société d’investissement Tiger Global Management pour poursuivre son développement. Mais le modèle économique des plateformes africaines de streaming demeure fragile, notamment parce que la majorité de ces start-up se finance grâce à la publicité, et que la part des budgets des annonceurs consacrée au web reste très limitée.
Quant au modèle payant de mise en Europe, il est largement hypothéqué par le piratage qui sévit sur le continent. « Nous éduquons le marché », reconnaît Chérine Tarek, responsable du développement en Afrique de Deezer, l’un des rares acteurs à avoir opté pour un abonnement dont les prix varient, suivant les pays, de 3 à 4 euros par mois. Totalement gratuit, le service de The Kleek est pour le moment sponsorisé par Samsung. En contrepartie, seuls les utilisateurs des smartphones de la marque coréenne peuvent y accéder.
Coup de jeune
Parce que le téléphone représente la principale porte d’accès à internet en Afrique, les opérateurs télécoms sont eux aussi très attentifs à l’évolution du marché de la musique en ligne. Le français Orange possède ainsi environ 8 % du capital de Deezer. « En proposant ce type de service, les opérateurs ont l’opportunité de rajeunir leur image et d’augmenter leurs revenus », explique Chérine Tarek. Dans le cadre de leur accord, Deezer n’est cependant pas tenu de travailler exclusivement avec Orange. « Nous avons des discussions avec d’autres acteurs, par exemple en Afrique du Sud. J’ai même organisé une conférence téléphonique où Orange nous a servi d’ambassadeur auprès d’Etisalat », explique Chérine Tarek. Ces partenariats sont stratégiques pour Deezer, car ils permettent de faire facturer ses services directement par les opérateurs. Et ce alors que le faible usage sur le continent des moyens de paiement électroniques est toujours un obstacle majeur au développement de services commerciaux sur le web.
Le véritable décollage du streaming viendra aussi avec la généralisation des smartphones. On en comptabilisait en 2011 environ 15 millions en Afrique, mais leur nombre pourrait grimper à plus de 127 millions dans les deux ans, en raison de la baisse des prix. En attendant, Deezer travaillerait sur une offre alternative accessible depuis des téléphones plus basiques.
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