Technologie : la Côte d’Ivoire à l’école de l’innovation
Éprouvée par une décennie de crise politico-militaire, la Côte d’Ivoire a entamé son processus de reconstruction. S’inspirant des meilleurs modèles d’Afrique subsaharienne (Kenya, Ghana, Sénégal), la dynamique communauté technophile entend jouer sa partition.
La Côte d’Ivoire est dans le wagon de l’innovation. Abidjan a gagné 20 places au dernier classement de l’Indice mondial de l’innovation publié à la mi-juillet par l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Si Dakar, reste la principale place forte de la technologie en Afrique de l’Ouest, Abidjan rattrape lentement mais sûrement son retard.
Google Days, Social Media Day, Matinées Kacou Ananzè, Assises de la sécurité informatique, Fashion Geek, BEST (université d’été du web)… les événements et rencontres dédiées aux nouvelles technologies s’enchaînent. Les applications mobiles foisonnent également, à l’image de « Môh Ni Bah » (« félicitations pour le bébé » en baoulé, langue locale), une application dédiée à la déclaration des naissances ou encore « TaxiTracker », une autre trouvaille permettant de suivre à la trace les taxis, lancée en mars dernier par IntelGéo, une société fondée par le jeune entrepreneur ivoirien Régis Bamba. La Côte d’Ivoire a même déjà sa première tablette éducative, »Qelasy ».
Fleure N’Doua, prix d’excellence
Lauréate début août du prix d’excellence nationale 2014 décerné par la présidence de la République, Fleure a rejoins l’univers des technophiles ivoiriens en juillet 2012. Elle n’avait que 22 ans.
Celle que rien ne prédestinait à une carrière dans le e-business (elle est titulaire d’une maitrise en Sciences du langage) a, en deux années, conçu de nombreux sites web pour particuliers, entreprises et même pour le gouvernement.
Aujourd’hui c’est www.sportif225.com, un site spécialisé dans l’actualité sportive qui lui vaut une reconnaissance nationale.
Modèles subsahariens : Kenya, Ghana et Sénégal
Ce foisonnement d’initiatives et de créations s’explique aussi par l’éclosion d’un vivier de tech-entrepreneurs locaux.
Pour réussir une meilleure intégration de leur passion – les NTIC – dans leur quotidien et celui de leurs compatriotes, nombre d’entre eux se sont d’ailleurs mis à l’école kényane : le modèle africain dans ce domaine.
De nombreux jeunes ivoiriens n’hésitent pas à faire le pèlerinage de Nairobi. Ce pays « valorise l’entrepreunariat et promeut ses start-up », commente, admiratif, Bacely YoroBi, fondateur de YojeDesign, une agence créative communautaire qui a séjourné à Nairobi en 2012. Il y découvre un environnement favorable aux jeunes pousses : incubateurs, coworking spaces et centres d’affaires.
« J’ai ramené de Nairobi des initiatives comme le #Connectic, un afterwork pour entrepreneurs et technophiles d’Abidjan, et #VC4Africa Meetup Abidjan, un rendez-vous pour investisseurs », poursuit-il.
Certains, à l’instar de Fleure N’Doua (voir encadré) relativisent : « Plus près de nous, au Sénégal ou au Ghana, les choses bougent aussi. Nous sommes nombreux à nous en inspirer ».
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Investissement étatique
Aujourd’hui, le secteur des Technologies de l’information et de la communication contribue à hauteur de 6 à 7 % du PIB du pays, selon les chiffres communiqués en décembre dernier par Bruno Koné, le ministre de la Poste et des TIC. L’État ivoirien a donc commencé à s’impliquer dans le développement de l’économie numérique. Le ministère des Postes et TIC s’investit d’ailleurs dans l’amélioration de la qualité des infrastructures technologiques.
En mars 2012, l’ANSUT (Agence nationale des services universels de télécommunications) a vu le jour, afin de favoriser l’accès de toutes les populations aux services offerts par les TICs.
Un intérêt tardif mais qui peut rapporter gros. Avec 9,9 millions de personnes, majoritairement des jeunes, sans emploi, en Côte d’Ivoire, « le business technologique peut aider à résorber le chômage grâce à des concepts comme le co-working , le télé-travail qui contribue à l’auto-emploi et favorise l’ouverture des jeunes ivoiriens sur le marché mondial », insiste Édith Brou, bloggueuse ivoirienne.
Bacely YoroBi : au nom du père, de la mère et de la technologie
Yoro Goule Bi Trah Bacely avait 23 ans en 2011 lorsqu’il a lancé avec le soutien de ses parents, YojeDesign, une agence créative communautaire.
À l’époque il s’agissait plus d’un passe temps que d’un gagne pain. Très vite repéré, Bacely rassemble autour de lui un groupe de jeunes pour lancer sa véritable grande affaire. « SocialSpot » est une entreprise spécialisée dans le social media marketing.
Parallèlement à ses fonctions de manager, il conseille des start-ups dans la sous-région en e-business.
Pas utopique. Bacely Yorobi par exemple, rassemble cinq jeunes autour de sa start-up qui commence à décoller avec un bénéfice en 2013 de près de 5 000 euros. Avec 1, 5 millions d’internautes et un taux de pénétration du mobile supérieur à 90%, Abidjan dispose largement des moyens de ses ambitions.
Problématique du financement
Tout n’est pas rose, pour autant. Les banques restent frileuses. Alors, les tech-entrepreneurs du pays essaient de trouver de nouvelles sources de financement.
En novembre 2013, Israël Guébo a lancé Bric’Espoir, une initiative de crowdfunding sur une plate-forme 100 % ivoirienne, qui a pour ambition de mobiliser en une année 1,5 million d’euros afin de financer une technopole entièrement dédiée aux métiers web. Las, neuf mois après son lancement, les fonds récoltés n’atteignent pas les 10% du total escompté.
La route sera sans doute longue, mais les tech-entrepreneurs ivoiriens n’entendent certainement pas y renoncer. Et la techno-sphère africaine leur dit : « Akwaba » (« bienvenue »).
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